L'Europe vue de Bruges

Auditions Parlement européen 2024 - Sofía Torres Bizou

© European Union 2024 - Source : EC Audiovisual Service Auditions Parlement européen 2024 - Sofía Torres Bizou
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Sofía Torres Bizou est Assistante académique au sein du département Politiques et gouvernance européennes (POL) au Collège d’Europe à Bruges.

Elle est diplômée de la promotion Éliane Vogel-Polsky 2021-2022 du Collège d’Europe à Natolin. Elle a précédemment étudié à Madrid où elle a suivi une formation pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales, avec une spécialisation en affaires internationales et en Asie de l’Est.

Après ses études au Collège d’Europe, elle a travaillé comme stagiaire au sein du cabinet du Vice-président de la Commission Européenne, Monsieur Margaritis Schinas, et ensuite comme attachée à la Représentation Permanente de l'Espagne auprès de l'UE sur les matières ayant trait à la démocratie et aux élections pendant la présidence espagnole du Conseil de l'UE en 2023.

Les États membres ont tenu de larges élections européennes au cours du mois de juin 2024, afin d'élire les membres du Parlement européen. En fonction des résultats de cette élection, les États membres et la présidente de la Commission ont présenté une liste de candidats, ou de commissaires désignés, pour former le nouveau collège de la Commission.

C'est tout à fait exact. Le Parlement européen étant constitué et les candidats de tous les États membres étant prêts, le Parlement (ou “PE”, comme on l’appelle souvent) a entamé le 4 novembre les auditions des commissaires désignés. Ces auditions sont un processus essentiel pour la sélection et l'approbation des membres de la Commission. Il s'agit principalement d'entretiens menés par les membres des différentes commissions du Parlement européen afin d'évaluer l'aptitude de chaque commissaire désigné à assumer le rôle qui lui est proposé.

Il y a 26 commissaires désignés, un par Etat membre (en plus de la Présidente). Leurs couleurs politiques représentent les résultats des élections européennes de juin 2024, ce qu'il faut garder à l'esprit tout au long de notre conversation d'aujourd'hui.

S'ils sont confirmés par le Parlement, ils formeront la nouvelle Commission européenne dirigée par Mme Von der Leyen. Si le Parlement n'approuve pas un ou plusieurs de ces candidats, la présidente désignée et l'État membre en question devront présenter un autre candidat, et de nouvelles auditions devront avoir lieu.

Je crois savoir que les auditions sont terminées, du moins pour l'instant. Pourriez-vous peut-être nous faire part de certains des faits marquants de ces deux dernières semaines ? À quoi pouvons-nous nous attendre ?

Bien sûr. En effet, les auditions sont terminées, comme vous l'avez dit, pour l'instant. À l'heure où nous enregistrons ce podcast, le Parlement européen doit encore confirmer le collège des commissaires, c'est-à-dire l'ensemble des 27.

Les députés ont donné leur feu vert à 19 des 26 commissaires de Mme von der Leyen, mais ils ont également refusé de se prononcer sur le Hongrois Olivér Várhelyi et les six vice-présidents exécutifs (Kaja Kallas, Raffaele Fitto, Roxana Mînzatu, Stéphane Séjourné, Teresa Ribera et Henna Virkkunen). L'idée est que, si un accord politique est conclu, le Parlement européen votera pour tous les commissaires dans une sorte d'accord global.

A mon avis, les auditions les plus intéressantes ont été les suivantes:

L'Estonienne Kaja Kallas, candidate au poste de Haute Représentante de l’UE pour les Affaires etrangères (souvent appelée la “HRVP”, en anglais), a présenté une vision optimiste de l'influence mondiale de l'UE ; elle a fermement soutenu la victoire de l’Ukraine dans la guerre d’aggression illégitime de la Russie contre l’Ukraine ; et a qualifié la Chine de « rival systémique » cherchant à perturber l'ordre international.

Michael McGrath, commissaire chargé de la démocratie, de la justice et de l'État de droit, a indiqué que l'une de ses priorités serait la prochaine loi sur l'équité numérique (le “Digital Fairness Act”), qui aura pour objectif de lutter contre les « modèles commerciaux » des médias sociaux qui créent une dépendance et peuvent nuire aux enfants en ligne.

L'un des profils les plus controversés en raison de son affiliation politique est celui de l'Italien Raffaele Fitto. S'il est nommé, il supervisera plus de 400 milliards d'euros de financement pour les régions les plus pauvres en tant que vice-président exécutif chargé de la cohésion et des réformes. Bien qu’il soit considéré comme l’aile modérée de Fratelli d’Italia, les Verts, les socialistes et la gauche n'ont pas été impressionnés.

Où en est la situation aujourd'hui ? Quelles sont les difficultés rencontrées pour parvenir à un accord sur le collège des commissaires ?

Un différend politique oppose principalement le groupe des socialistes, et le PPE, qui ont posé comme condition préalable à l'approbation de Teresa Ribera qu'elle se présente devant le Parlement espagnol pour répondre à des questions sur son rôle en tant que ministre de la transition écologique lors des récentes inondations à Valence.

Teresa Ribera devrait devenir le principal contrepoids à la présidente de la Commission. Elle sera chargée de la politique de la concurrence ainsi que de la transition économique verte, ce qui pourrait constituer le plus gros dossier de toute la machinerie politique de l'UE.

Pendant la campagne électorale, les socialistes ont menacé de ne pas soutenir la candidate du PPE Ursula von der Leyen pour un second mandat de cinq ans en tant que présidente de la Commission européenne s'il y avait une « coopération structurelle » entre le PPE et l'ECR, le groupe politique de Raffaele Fitto.

Nous suivrons de près l'évolution de la situation au cours des prochains jours pour voir si un accord peut être trouvé ou non.

C'est vraiment la politique à son meilleur, mais qu'est-ce que cela signifie ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Le Parlement a fixé au 27 novembre la date du vote sur l'ensemble des 27 commissaires, connu sous le nom de Collège, qui aura lieu lors d'une session plénière à Strasbourg.

Si une majorité de députés donne son feu vert à la Commission, la nouvelle équipe de Mme von der Leyen pourra commencer à travailler le 1er décembre comme prévu.

Dans le cas contraire, la Commission envisage une date de démarrage en 2025.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.