À voir et à goûter

Plutôt qu’un burger, faîtes-vous livrer une œuvre d’art !

Plutôt qu’un burger, faîtes-vous livrer une œuvre d’art !

Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !

Vous êtes allée visiter une exposition à l’Ecole des Beaux-arts de Nantes au titre sinon provocateur en tout cas explicite : Chatteland, elles sont parmi nous …

Si vous aviez des doutes, la sculpture de 2 m de haut faisant face à l’entrée, vous les efface de suite. Iron maiden, Vierge de fer, c’est le nom d’un groupe de heavy metal britannique et c’est aussi le titre de la sculpture. De cette Vierge de fer, seule figure son immense vulve aux grandes lèvres en pétales de métal acérés, aux petites lèvres en faïence émaillée et au vagin peint, le tout dans une large palette de roses. C’est L’origine du monde, tableau peint par Gustave Courbet, mais 156 ans plus tard, en volume, en version XXL et sans corps. Nous sommes à Chatteland, un monde parallèle, créé par la jeune artiste Anne-Sophie Yacono, diplômée des Beaux-arts de Nantes en 2011.

On entre donc si je comprends bien dans un univers exclusivement lié à la sexualité féminine.

Certes, mais une sexualité vorace, monstrueuse, charnelle qui déborde sur les murs, dans des paysages vulvaires peints ou dessinés, et qui fait un peu peur, même aux femmes ! Un univers débridé naviguant entre le grotesque, l’humour, voire le mauvais goût comme ce phallus en érection d’un mètre de haut, réalisé en bois et feuilles de cuivre. Mais comme une ponctuation à ce déluge formel et sensuel, un ensemble de petites sculptures, a retenu mon attention. Ainsi Le dinosaure, de la série Les portes de Chatteland, au socle en bois sculpté teint et ciré et son espèce de corolle vibrante en faïence émaillée. Et si avez raté l’exposition à Nantes, vous pouvez, si vous habitez le 44 emprunter cette œuvre et l’installer chez vous.

Les œuvres peuvent donc être prêtées aux particuliers ?

Evidemment pas toutes les œuvres, mais en ce qui concerne Anne-Sophie Yacono, trois de ses œuvres, cette sculpture et deux lithographies, font partie de la collection Art delivery à Nantes, gérée depuis 2010 par l’Ecole des Beaux-arts de Nantes Saint Nazaire.

Qu’est-ce que cette collection Art delivery ?

Art delivery fait partie de ce réseau d’artothèques créé en 1982. Il y a 33 artothèques en France dont le concept est de diffuser l’art contemporain via le prêt des œuvres de leurs collections acquises auprès d’artistes vivants. De Brest à l’Ile de la Réunion, de Cahors à Chatellerault, de Ternier dans l’Aisne à Nîmes, Il y a presque toujours une artothèque près de chez vous.

Ainsi Art delivery a été créée en 1986 à Nantes et s’appelait le Ring. Aujourd’hui la collection compte 800 œuvres originales : œuvres uniques, éditions, estampes, peintures sur papier, photographies, vidéos, du son également …, d’artistes français·es et étranger·ères et d’ancien·nes étudiant·es des Beaux-arts.

Quel est le principe de prêt de cette collection ?

Il est très simple, vous allez sur le site Art delivery Nantes, vous sélectionnez une œuvre dans le catalogue, vous la réservez en ligne et l’œuvre est ensuite livrée à votre domicile pour 30 € par œuvre pour 3 mois, accompagnée d’une fiche descriptive. Et luxe suprême, l’œuvre est livrée à bicyclette !

Qui peut emprunter ces œuvres ?

Tout un chacun à condition d’habiter le département de Loire-Atlantique pour Art delivery Nantes mais aussi des écoles, des collèges et lycées, universités, associations ou entreprises. Ainsi une entreprise de BTP soucieuse du bien-être au travail emprunte 5 œuvres tous les 3 mois dont la thématique est liée aux métiers du bâtiment. Le CHU emprunte des oeuvres également ainsi qu’un cabinet d’avocats par exemple.

Et quid des particuliers, quelles sont leurs motivations ?

Souvent m’a raconté Elise chargée de l’accrochage des œuvres, les particuliers souhaitent une œuvre décorative, de grand format et colorée pour l’exposer dans leur salon. Mais il arrive que certains désirent tester une œuvre, ainsi un couple séduit par une estampe de Gérard Titus-Carmel, a par la suite acquis des œuvres de cet artiste. En grande partie les emprunteurs fréquentent peu ou prou le milieu de l’art et sont intimidés par l’environnement, les galeries d’art, les vernissages. Ils apprécient ce système de prêt sur catalogue.

Quelles sont les œuvres empruntées ?

Elise a constaté que souvent le tout premier emprunt est un ensemble d’études préliminaires pour Guernica de Picasso, qui ne sont pas des originaux évidemment mais des reproductions à l’identique. Comme un repère dans ce vaste monde de l’art, une valeur sûre puis l’emprunteur s’émancipe et ose des œuvres d’artistes inconnus de lui. Et pour cause un grand nombre d’œuvres sont acquises auprès de jeunes artistes, bien soutenus par la ville de Nantes. Cependant le catalogue propose, en dehors de Picasso, des œuvres datant des années 50 à nos jours. La diversité est extraordinaire et quel luxe que de pouvoir contempler une œuvre chez soi tous les jours … pendant 3 mois. Personnellement je ne voudrais pas la rendre !

Quelle sera la prochaine exposition après Chatteland ?

Celle-ci s’appellera Adopte un ange et permettra de découvrir les œuvres de l’artiste Pierre Mabille qui en outre proposera un dialogue avec certaines œuvres de la Collection Art delivery, vernissage le mardi 11 avril. Pour les amateurs, Pierre Mabille est l’auteur des merveilleux vitraux colorés dans des gammes chaudes et froides de l’Eglise Saint Maurille aux Ponts-de-Cé sur la Loire dans le Maine-et-Loire.

En conclusion. Plutôt qu’un burger, faîtes-vous livrer une œuvre d’art !

L'équipe

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.