Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
Toujours aussi « fofolle » cette seconde journée au festival de musiques classiques de Nantes et ses sept siècles d’aventures musicales ?
700 ans de musique, ça méritait bien plusieurs jours, non pour en faire le tour, hélas, mais pour y récolter quelques perles. Car la thématique des Origines, cette année, se prêtait admirablement à la découverte et à la surprise sur les sentiers qui bifurquent, éloignés des grandes autoroutes menant aux grands compositeurs.
Et donc oui, toujours aussi « fofolle » cette déambulation de néophyte entre « La Divina Commedia » de Dante chantée par les douze choristes de l’ensemble Stile Antico, ou le Bleue Quintet de Paul Colomb associant violoncelles et musique électronique ou encore Nathanaël Gouin interprétant sur son piano la musique de Moussorgski traduisant les tableaux d’un peintre ami disparu. Il y en a bien d’autres bien entendu.
Vous souhaitez donc nous parler de l’ensemble vocal Stile Antico et de la Divina Commedia ?
Imaginez douze hommes et femmes tout de noir vêtus qui sans autre instrument que leurs voix, nous invitent au voyage écrit par Dante au 14ème siècle, accompagné du poète Virgile dans la descente des neuf cercles de l’enfer et retrouver sa bien-aimée Beatrix « si joyeuse et si belle » au paradis. Et ces voix célestes nous font entendre les lamentations des damnés, les regrets de ceux qui mijotent au purgatoire et l’allégresse toute humble et sans exultation, des bienheureux au paradis.
« La Divina Commedia » est un long poème fondateur écrit en italien et non en latin vers 1307 par Dante Alighieri. Il se compose donc de trois parties : L’Enfer, Le Purgatoire et le Paradis. Dante Alighieri était une figure éminente de la vie civique florentine dont il fut chassé et condamné à l’exil perpétuel. Il mourut en 1321 à Ravenne. La Divine comédie est un récit épique qui a inspiré nombre de compositeurs ou écrivains ou peintres.
Et ce sont de grands compositeurs de la Renaissance que l’ensemble vocal anglais Stile Antico a choisi d’interpréter à travers une sélection de madrigaux et polyphonies religieuses : Giovanni Pierluigi da Palestrina, Luzzasco Luzzaschi, Francisco Guerrero, Tomàs Luis de Victoria, Cristobal de Morales ou Vicente Lusitano.
Quant au Bleue Quintet de Paul Colomb, ses violoncelles et sa musique électronique, que nous en dîtes-vous ?
Ce sont cinq jeunes violoncellistes qui jouent avec fougue et passion les compositions croisant musique de chambre, jazz, techno et autres rythmes électroniques. Et c’est le premier album tout juste sorti de Paul Colomb au titre éponyme. Bangalore, la ville indienne où il a enseigné en 2012, inspire le projet. On y rencontre d’ailleurs des sons typiquement indiens. Mais c’est aussi Saint Nazaire, sa base marine, ses blockhaus qui sont à l’origine des titres « Punk » par exemple. Paul Colomb a grandi dans la région.
L’ensemble des musiciens tapent aussi avec leur archer ou leurs mains sur leurs instruments. Le son peut être très grave ou pointu, annoncer la douceur d’une berceuse ou l’enfer apocalyptique. C’est formidable, c’est riche et dense et ça vous emporte avec force.
Et enfin vous souhaitez évoquer la suite pour piano composée par Modeste Moussorgski et interprétée par Nathanaël Gouin.
C’est l’intitulé « Tableaux d’une exposition » qui m’a incitée à assister à ce concert. En effet le compositeur russe Modeste Moussorgski a composé une série de dix pièces pour piano entrecoupées de cinq « promenades », en 1874, un an après le décès prématuré de son ami peintre Viktor Hartmann. Tous les deux étaient passionnés par l’art russe. Bouleversé par l’importante exposition consacrée à son ami à l’Académie des Beaux-arts de Saint Pétersbourg, Moussorgski s’attellera à la transcription en musique des états d’âme qui l’ont animé. On suit le musicien dans sa déambulation devant les œuvres qui ont pour titres « Gnomus », « Il vecchio castello », « Tuileries. Disputes d’enfants après jeux », « Limoges. Le marché », « la grande porte de Kiev », … A nous d’imaginer les tableaux d’Hartmann disparus depuis et dont seuls six sont rescapés sur les 400 présentés.
Nathanaël Gouin, brillant pianiste, nous entraîne dans les émotions visuelles de Moussorgski, parfois penché et faisant corps intime avec son piano. C’est beau, c’est émouvant et c’est un magnifique hommage d’un musicien à un peintre. Le pianiste nous signale à la fin du concert la superbe orchestration symphonique réalisée par Maurice Ravel en 1922.
La folle journée de Nantes 2024 est terminée, en attendant l’édition de 2025, dédiée aux villes phares pour la musique, vous pouvez écouter les albums des musiciens sur CD ou sur les sites dédiés.