Le bloc-notes d’Albrecht Sonntag

Une auscultation - Le bloc-note d'Albrecht Sonntag

Une auscultation - Le bloc-note d'Albrecht Sonntag

Le « bloc-notes européen » d’Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers, tous les vendredis sur les ondes d'euradio.

Cette semaine, vous proposez de prendre le pouls d’un Etat-membre européen au paysage politique en permanente recomposition, en proie à de nombreux doutes, et qui va affronter sa prochaine échéance électorale dans une polarisation croissante. Ce ne serait pas la France ?

Cette semaine, vous proposez de prendre le pouls d’un Etat-membre européen au paysage politique en permanente recomposition, en proie à de nombreux doutes, et qui va affronter sa prochaine échéance électorale dans une polarisation croissante. Ce ne serait pas la France ?

Ah, ça fait envie ! Vous voulez bien nous donner le nom et l’adresse de ce médecin ?

Volontiers : c’est la Bundeszentrale für politische Bildung à Bonn. Et son diagnostic s’intitule « Länderbericht Frankreich“. Soyez rassurée, je ne vais pas vous faire répéter.
Par contre, je vous le traduis :

« Länderbericht », c’est un rapport exhaustif sur un pays, rédigé par de nombreux experts pluridisciplinaires dans un large éventail de domaines, qui va bien au-delà des seuls champs politiques et économiques, en couvrant aussi la société et la vie quotidienne, la culture et les médias, l’histoire et la mémoire, ainsi que les relations avec le reste du monde.

Et la Bundeszentrale für politische Bildung, c’est « l‘Agence fédérale pour l’éducation civique », une de ces institutions qu’il faudrait immédiatement inventer si elle n’existait pas déjà depuis 70 ans.

Visiblement, vous êtes fan. Pourquoi cet enthousiasme ?

Vous êtes bien placés, à Euradio, pour savoir à quel point une information de qualité, vérifiée et provenant de sources plurielles, accessible à tous et produit à but non-lucratif, est une composante essentielle de la vie démocratique. Pour durer, la démocratie a besoin de citoyens bien informés – et si possible, pas uniquement par Facebook, Instagram, Twitter et Tik Tok.


Le « Länderbericht Frankreich » fournit ce type d‘information. C’est un gros pavé de 608 pages, qui contient 81 sujets traités par 78 auteurs, à la parité presque parfaite, soit dit en passant, ce qui change des premières éditions en 1999 ou 2005. C’est un condensé de compétence sur la France contemporaine. Ou, pour reprendre ma petite métaphore médicale initiale, une véritable auscultation de la France en 2022, un « check-up » si vous préférez.

Cela risque d’être un peu lourd pour prendre à la plage cet été.

Là, vous n’avez pas tort. Mais ce n’est pas non plus le but. Pas besoin non plus de lire tout d’un trait (même si dois avouer que c’est ce que j’ai fait). Au contraire : cela restera un livre de référence pendant au moins un quinquennat, qu’on consultera quand on a envie de mieux comprendre une facette de notre pays si particulier et souvent énigmatique.

Détail important : les deux éditeurs principaux, les professeurs Ulrich Pfeil et Corinne Defrance – eux-mêmes un couple franco-allemand– ont réussi à imposer à leurs nombreux auteurs un style tout sauf barbant. Et les illustrations sont nombreuses et parfaitement pertinentes.

Bon, je me rends bien compte que ma majorité de nos auditeurs ne vont pas se ruer sur internet pour commander un bouquin dans la langue de Goethe, même au prix plus que modique de 4 Euro 50.

Mais je me suis dit qu’ils seront peut-être contents de savoir que l’envie de mieux comprendre le voisin au-delà des clichés habituels est resté intacte en Allemagne, et que de très nombreux étudiants et des citoyens de toute catégorie seront amenés à le consulter (d’autant que la quasi-totalité des contenus finira par être disponible gratuitement en ligne sur le site de l’agence, d’une richesse incroyable).

Et vous-même ? Qu’avez-vous retenu de votre lecture ?

Au-delà de la qualité de l’ensemble, j’ai retenu qu’un nombre significatif de chapitres, sur les thèmes les plus variés, concluait sur des formules du genre « il reste à voir si … », ou « on peut en douter », ou encore « le temps nous dira si… » – le genre d’expression qui révèle que la France d’aujourd’hui est pétrie d’incertitudes et que son avenir est tout sauf écrit d’avance.

Cela m’a amusé, cet aveu d’impuissance de faire un pronostic par des gens pourtant
reconnus pour être des spécialistes, mais c’est aussi un gage d’honnêteté.

Pour résumer : on râle souvent contre la qualité médiocre de l’information à la télévision, contre l’intox massive sur les réseaux sociaux, et contre les maigres connaissances qu’ont les uns et des autres à travers le continent. Il n’est que juste de rappeler que dans une démocratie, on a les moyens de se coucher le soir plus intelligent que quand on s’est levé le matin. Pour ceux qui ont envie de savoir, des connaissances de qualité sont accessibles.
Il suffit d’aller les chercher.

Toutes les éditos d'Albrecht Sonntag sont à retrouver juste ici