Le bloc-notes d’Albrecht Sonntag

L'édito d'Albrecht Sonntag · Macron face à la « trouille intellectuelle allemande »

L'édito d'Albrecht Sonntag · Macron face à la « trouille intellectuelle allemande »
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Albrecht Sonntag, professeur à l’EU-Asia Institute de l’ESSCA Ecole de Management et membre d’Alliance Europa.

Albrecht Sonntag est professeur à l'EU-Asia Institute. Docteur en sociologie, il travaille sur les dimensions multiples du processus d’intégration européenne. Albrecht est également membre de l'Alliance Europa, consortium universitaire interdisciplinaire en Pays de la Loire.
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Quelques liens :

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L’édito d’Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, qui bascule exceptionnellement sur le mardi cette semaine. Albrecht revient sur le périple allemand d’Emmanuel Macron la semaine dernière. Exactement. Pendant que les éditos d’Euradio faisaient le pont, j’ai suivi le « pont allemand » que s’offrait le président français à l’occasion du prix « Charlemagne » que lui décernait la ville d’Aix-la-Chapelle. Une bonne opportunité pour lui de passer quelques messages au public allemand au sens le plus large, et il l’a saisie : non seulement dans son discours de lauréat, repris et commenté par l’ensemble des médias de qualité, mais aussi dans une interview de télévision pour les « Tagesthemen », les actualités du soir sur la première chaîne ; sans oublier un bain de foule classique au centre-ville, ainsi qu’une visite à l’université pour échanger avec les étudiants. Mais comme sa visite tombait presque pile-poil sur le premier anniversaire de son accession au pouvoir, c’était aussi l’occasion pour les Allemands de tirer un premier bilan de son action. Ce qu’a fait par exemple le magazine télévisuel de géopolitique « Weltspiegel » dans un hors-série de 45 minutes  entièrement consacré à cette première année à l’Elysée. Un documentaire plutôt bienveillant, soit dit en passant, mais en même temps assez équilibré. Et comment se sont-elles passées, les rencontres et les prises de parole ? Vous ne serez pas vraiment surpris d’apprendre que dans toutes ces situations – que ce soit en face des habitants d’Aix-la-Chapelle ou des étudiants à la fac, des notables de la ville réunis pour leur cérémonie de prix ou des journalistes de la télévision – Monsieur Macron a assuré. En France, cela ne nous étonne guère. Après tout, on commence quand même à connaître le personnage. Mais pour le public allemand, c’est assez surprenant de voir une personnalité politique autant en maîtrise dans tous ces différents registres. Sans parler de la franchise dont il a fait preuve, surtout quand il s’agissait de faire comprendre aux Allemands qu’à ce moment précis de l’histoire de l’intégration européenne, il faudrait arrêter de tergiverser. En tout cas, ses interventions semblent avoir été vues d’un bon œil : dans un sondage ad-hoc, 60% des répondants ont dit apprécier le Président français, contre seulement 24% qui le considèrent comme « surévalué ». Apprécier la personnalité, c’est une chose. Mais qu’en est-il du message ? A-t-il été entendu ? Par les médias, oui, notamment les médias de qualité qui traitent de l’Europe de manière différenciée. Sauf que dans ces rédactions, pas vraiment peuplées des perdants de la globalisation et de l’intégration européenne, mais plutôt par des libéraux éclairés, il est déjà en terrain conquis. Face à la procrastination que les gouvernements allemands successifs semblent avoir érigée en principe, on s’y réjouit d’accueillir un ami à la fois « inconfortable et méritant », pour reprendre le joli titre d’un éditorial de la presse écrite. Les milieux politiques et l’électorat allemand, en revanche, c’est une autre paire de manches. Macron a bon leur asséner quelques vérités entre amis – en leur renvoyant leur « fétichisme des excédents budgétaires », comme il l’a fait lors de son discours, ou en dénonçant « le tabou des transferts financiers » et le manque de volonté de « se projeter » vers un avenir commun, « comme nos pères fondateurs ont su le faire », on n’a pas l’impression qu’ils soient prêts à l’entendre. Dans le documentaire du magazine « Weltspiegel », Daniel Cohn-Bendit résume bien l’état d’esprit actuel en parlant d’une « paresse intellectuelle en Allemagne qui empêche de se saisir des propositions de Macron », voire d’une véritable « incapacité ». Mais elle vient d’où, cette incapacité de répondre ? Selon mon analyse, il y a là un vrai blocage cognitif. L’opinion publique allemande mainstream – celle qui remet en place une « Grande Coalition » ultra-prudente et immobile, pour ne pas dire paralysée, ou celle qui laisse sur les sites web de la presse des commentaires peu amènes sur les objectifs cachés présumés du président français – n’est tout simplement pas prête à entendre que l’Allemagne est LE grand bénéficiaire de l’union monétaire et du marché unique. Cette vérité, aussi criante soit-elle, n’est pas compatible avec le narratif traditionnel de l’Allemagne vache à lait de l’Europe. Et la classe politique actuelle est comme tétanisée devant la menace populiste. A Berlin, ils ont « l’Europe honteuse ». En fait, j’irais même plus loin que Cohn-Bendit : plus qu’une « paresse », il y a de la « trouille intellectuelle », jusque dans la chancellerie. A titre personnel, je pense qu’ils sous-estiment la capacité de l’actuel président français de faire preuve d’une persévérance opiniâtre. Contrairement à d’autres, celui-ci ne semble pas être du genre à lâcher son affaire après s’être heurté à un silence poli. Vous vous souvenez peut-être de ma métaphore footballistique du « Gegenpressing » ? Bref, je risque d’être amené à revenir sur le sujet à l’avenir, il n’est pas près de disparaître.