Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Aujourd’hui, vous me dites que vous avez envie de prendre de la hauteur, loin des contraintes du semi-confinement.
Oui. Je me suis dit que c’était un bon moment pour imaginer un monde d’après idéal. Du coup, je risque d’être un peu poétique et de vous demander un gros effort d’imagination.
D’accord, chiche, allons-y. Je vais tenter de vous suivre.
Bien. Imaginez d’abord qu’il n’y aurait plus de religions, c’est assez facile si vous essayez. Pas de paradis ni d’enfer, juste le ciel bleu au-dessus de nos têtes. Imaginez les gens vivre pour aujourd’hui.
Imaginez ensuite qu’il n’y aurait plus de nations. Ce n’est même pas compliqué. Pas de patrie pour laquelle il faudrait mourir ou tuer. Imaginez les gens vivre en paix les uns avec les autres.
Imaginez enfin, qu’il n’y ait plus de capitalisme. C’est déjà plus difficile. Plus besoin d’accumuler des richesses, plus de raison d’avoir faim non plus. Imaginez une fraternité humaine qui se partage sa planète équitablement.
Qu'en dîtes-vous ?
Je dirais que cela tranche avec la tonalité de vos éditoriaux habituels.
C’est normal, ce n’est pas de moi. C’est de John Lennon. Je vous ai simplement traduit en français les trois couplets de la chanson « Imagine ».
John Lennon, assassiné il y a quarante ans, à l’âge de quarante ans, à New York le 8 décembre 1980. J’avais dix-huit ans, et j’ai pris un coup de matraque ce jour-là. Pour tout vous dire, en vous évoquant ce moment aujourd’hui, j’en ai la boule au ventre.
C’était donc « Imagine » ! Je me disais que cela me rappelait quelque chose ! Effectivement, quand on est un artiste comme John Lennon, on peut se permettre d’être poétique et rêveur.
Rêveur, exactement. « You may say I’m a dreamer », « Vous pouvez dire que suis un rêveur » disait-il, en ajoutant « mais je ne suis pas le seul », « but I’m not the only one ».
Près d’un demi-siècle après la composition de cet hymne humaniste, à la fois naïf et perspicace, les religions continuent à être usées et abusées pour imposer des normes, le nationalisme continue à répandre son poison, et le capitalisme continue à faire ses ravages en creusant les inégalités. Devant ce tableau, le caractère intemporel des paroles simples de John Lennon saute aux yeux. Cette mélodie douce et berceuse véhicule un manifeste politique puissant.
Je me suis déjà exprimé dans cette chronique au sujet de la programmation mentale défaillante de l’espèce humaine, notamment face au changement climatique. L’imagination utopique de John Lennon, c’est un antidote au désespoir. Cela se trouve qu’on finira malgré tout par coexister et coopérer de manière pacifique.
Pour conclure sur une note plus légère : la semaine dernière, nous avons évoqué, à l’occasion de la disparition de Diego Maradona, les « panthéons parallèles » de la culture populaire. Eh bien, à Liverpool, ils ont carrément baptisé leur aéroport « John Lennon Airport ». Et sur le mur qui surplombe le hall, ont été gravées les paroles d’Imagine et de Give Peace a Chance. Je suis passé par là l’année dernière, pour une conférence ERASMUS+, allez savoir pourquoi, ça m’a fait chaud au cœur.
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