Toutes les deux semaines sur Euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.
La réélection de Donald Trump relance des débats majeurs sur le rôle et la place des grandes plateformes numériques dans nos démocraties. Mais Olivier, l’Union européen a de son côté créée des outils pour règlementer les services numériques, avec le DSA.
Pouvez-vous nous expliquer, en quelques mots, ce qu’est le Digital Services Act ?
Le règlement sur les services numériques (DSA) est une réglementation européenne adoptée en 2022. Elle vise à rendre l’espace numérique plus sûr et plus transparent. En gros, elle impose des règles claires aux plateformes en ligne pour mieux gérer les contenus qu’elles hébergent, qu’il s’agisse de messages haineux, de contrefaçons ou de désinformation. L’objectif, c’est de garantir que ce qui est illégal hors ligne le soit aussi en ligne.
Pourquoi l’Union européenne a-t-elle jugé nécessaire de créer ce règlement ?
Avec l’explosion d’internet et des réseaux sociaux, les dérives se multiplient : contenus haineux, manipulation de l’information, produits dangereux… Or, les règles actuelles étaient dépassées, surtout face à des géants comme Meta, Google ou TikTok. L’Union européenne a donc voulu reprendre la main en posant un cadre clair pour protéger les citoyens, limiter les abus des grandes plateformes et mieux encadrer l’économie numérique. Ces entreprises doivent par exemple communiquer le nombre de leurs utilisateurs. Pour vous donner un ordre d’idée du poids de ces plateformes. Sur les plus de 448 millions d’habitants dans l’Union européenne, Google compte 364 millions d’utilisateurs mensuels de son célèbre moteur de recherche, contre 275,6 millions pour son service de cartographie et de géolocalisation “Maps” .Avec l'essor de ces plateformes en ligne, des défis majeurs sont apparus, tels que la diffusion de contenus illicites, la désinformation et les atteintes aux droits fondamentaux. L'UE a donc estimé qu'il était essentiel d'établir des règles claires pour protéger les citoyens.
Quelles obligations impose ce règlement aux grandes plateformes numériques ?
Le DSA impose des obligations spécifiques, surtout pour les très grandes plateformes, comme Facebook ou Amazon. Elle en a retenu 25 au total (soit plus de 45 millions d’utilisateurs actifs chaque mois, soit 10 % de la population européenne) D’abord, elles doivent retirer rapidement les contenus illégaux signalés, comme les discours de haine ou les produits contrefaits. Ensuite, elles doivent expliquer comment leurs algorithmes fonctionnent, surtout ceux qui recommandent des contenus ou des publicités. Par exemple, elles ne peuvent plus faire de publicité ciblée aux mineurs ou utiliser des données sensibles, comme les opinions politiques, sans consentement. Enfin, elles doivent mettre en place des audits annuels pour évaluer les risques liés à leurs activités, comme la désinformation ou les fausses nouvelles.
Quelles sanctions risquent les plateformes qui ne respectent pas le DSA ?
Les sanctions peuvent être très sévères. En cas de non-respect, une plateforme risque une amende pouvant aller jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial. Et pour les récidivistes, l’Europe peut aller plus loin en interdisant leurs activités sur le marché européen. Ces mesures montrent bien que l’Union veut se faire respecter, mais les défis pour l’Europe face aux géants numériques sont importants car les plateformes concernées sont pour la plupart américaines ou chinoises, comme les GAFAM ou Shein ou TikTok.
Y a-t-il des procédures en cours contre certaines de ces plateformes ?
Oui, la Commission européenne a ouvert des enquêtes formelles contre plusieurs plateformes. Par exemple, depuis quelques mois, plusieurs enquêtes ont déjà été ouvertes. TikTok fait l'objet d'une enquête ouverte en décembre 2024 suite aux élections présidentielle en Roumanie et la victoire au 1er tour d’un illustre inconnu dont les vidéos étaient devenues virales sur Tiktok. L'objectif de cette enquête est de vérifier si la plateforme chinoise respecte bien ses obligations. TikTok devra prouver que ses algorithmes ne favorisent pas la désinformation pendant ces périodes sensibles. Le 17 janvier de cette année, la Commission européenne a intensifié son enquête sur X. Le patron de X, Elon Musk étant fortement soupçonné de manipuler des algorithmes de sa plateforme et de manipuler le débat politique en Europe. Elle demande des éclaircissements sur ses algorithmes et sur la manière dont la plateforme modère les contenus. X a jusqu’à mi-février pour fournir les documents demandés.
L’Europe se positionne donc comme une puissance réglementaire. Avec le DSA, elle prouve qu’il est possible de créer un espace numérique plus juste et plus sûr. Mais il faut rester vigilant pour garantir son application sur le long terme. Il faut que la mise en œuvre du DSA suive et que les enquêtes voire les sanctions aboutissent. C’est une question de crédibilité pour l’Union européenne.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.