Fréquence Europe

Réforme du permis de conduire : ce qui change vraiment

Photo de Courtney Corlew sur Unsplash Réforme du permis de conduire : ce qui change vraiment
Photo de Courtney Corlew sur Unsplash

Toutes les deux semaines sur euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.

« L’Union européenne met fin au permis de conduire à vie », « L’Union européenne rend les visites médicales obligatoires »… Les titres de la presse ont de quoi inquiéter les automobilistes.


Mais qu’en est-il vraiment, Olivier ?

Avant toute chose, rappelons que le permis de conduire européen existe déjà depuis 2013.

Depuis cette date, les nouveaux permis délivrés au format commun européen, cette carte plastifiée de la taille d’une carte bancaire.


Les anciens permis, les fameux “papier rose”, continuent d’être remplacés progressivement, leur disparition totale est prévue d’ici quelques années.

Donc… le 21 octobre dernier, les députés européens ont adopté un paquet législatif sur la sécurité routière, qui comprend une réforme du permis de conduire.


Ce vote conclut un long processus de négociations engagé il y a plus d’un an.
L’objectif est clair : améliorer la sécurité routière et harmoniser les règles dans toute l’Union.

Car les chiffres restent préoccupants :


en 2024, près de 20 000 personnes ont perdu la vie sur les routes européennes.


Avec de fortes différences selon les pays : la Suède et le Danemark comptent autour de 20 à 24 décès par million d’habitants, la Roumanie plus de 75, et la France environ 48 décès par million.


L’objectif, c’est de diviser ce nombre par deux d’ici 2030, et de tendre vers zéro mort en 2050.


Alors concrètement, qu’est-ce qui change avec ce texte ?


D’abord, pour les jeunes conducteurs :


le texte instaure une période probatoire obligatoire d’au moins deux ans après l’obtention du permis, avec tolérance zéro pour l’alcool.


C’est une mesure forte : les jeunes représentent à peine 8 % des conducteurs, mais près de 40 % des accidents mortels.


Autre évolution : les jeunes de 17 ans pourront désormais conduire accompagnés dans toute l’Union européenne.


Ce qui était déjà possible en France le sera aussi en Allemagne, en Italie ou en Espagne.
Et dès 18 ans, il sera possible de passer le permis poids lourd, et à 21 ans le permis bus. Une façon d’ouvrir des débouchés professionnels, dans un secteur qui manque cruellement de chauffeurs.

Et concernant l’examen du permis, il va lui aussi évoluer ?


Oui, l’examen va s’adapter à la conduite d’aujourd’hui :

  • Avec une meilleure prise en compte des systèmes d’aide à la conduite et des angles morts,
  • Davantage de formation à la sécurité des piétons, cyclistes et trottinettes,
  • Et donc une attention particulière à la mobilité urbaine, où la cohabitation entre véhicules et modes doux devient un vrai enjeu.

Bref, le permis sort un peu de son univers “tout voiture” pour s’adapter à la mobilité de demain.


Et pour les conducteurs déjà titulaires du permis que se passe-t-il ?


Là aussi, il y a du changement, notamment sur le partage d’informations entre États.
Aujourd’hui, un conducteur français sanctionné en Belgique ou en Espagne peut souvent échapper aux conséquences une fois rentré chez lui.


Avec les nouvelles règles, ce sera fini : les infractions graves — alcool, drogue, excès de vitesse de plus de 50 km/h, accidents mortels seront automatiquement communiquées entre pays.


En clair : si vous perdez votre permis à l’étranger, il sera aussi suspendu en France.


C’est une avancée majeure : près de 40 % des automobilistes sanctionnés à l’étranger passaient jusqu’ici entre les mailles du filet.


Et qu’en est-il du permis numérique ?

il faut un peu dédramatiser.


L’idée est de généraliser un permis numérique d’ici 2030, intégré au portefeuille d’identité numérique européen, un peu comme l’application France Identité.


Mais la carte plastique restera disponible pour ceux qui la préfèrent.

L’intérêt du format numérique, c’est la simplification administrative : plus de démarches papier en cas de perte, de déménagement ou de contrôle à l’étranger. Tout se fera en ligne.


Et le “permis à vie”, c’est fini ?

Oui, le fameux “permis à vie”, c’est terminé.


Les permis voiture et moto auront désormais une validité de 15 ans, et 5 ans pour les poids lourds.


Mais pas de panique : il ne faudra ni repasser l’examen, ni refaire des heures de conduite.


Il s’agira simplement de renouveler le document, comme on renouvelle une carte d’identité ou un passeport.


Et faudra-t-il passer une visite médicale pour se faire renouveler son permis ?

C’est sur ce point que la polémique a été la plus forte.


Mais contrairement à ce qu’on a pu lire, l’Union européenne ne rend pas la visite médicale obligatoire.


Chaque pays garde la main : il pourra choisir d’imposer un examen médical, de proposer une auto-évaluation, ou de ne rien changer du tout.

La France, par exemple, pourrait décider de ne viser que certains publics, comme les conducteurs de plus de 65 ans.


L’idée, c’est de prévenir les risques liés à la santé — la vue, les réflexes, la vigilance — pas de sanctionner.


Certains pays le font déjà : au Portugal, les conducteurs de plus de 70 ans passent une visite médicale régulière.


Donc pas de révolution immédiate ?

Non, rien ne change du jour au lendemain.


Les États membres ont trois ans pour transposer la directive dans leur droit national, puis encore un an pour la mettre en œuvre.
Les grandes lignes sont fixées — validité de 15 ans, permis numérique, échange d’informations — mais les détails dépendront des décisions de chaque pays.


En clair : la route est tracée, mais la France a encore un peu de temps pour se préparer.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.