L'Europe et le monde

Ukraine : L’Europe à l’épreuve du désengagement américain

Ukraine : L’Europe à l’épreuve du désengagement américain

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.

Donald Trump a voté avec la Russie au conseil de sécurité à l'ONU. On assiste à un véritable revirement diplomatique.

Absolument. Jusqu'à présent, les États-Unis soutenaient fermement l'Ukraine. Mais Donald Trump a choisi de voter contre une résolution défendant l'intégrité territoriale de Kiev. Il préfère une paix rapide, sans prendre la peine de condamner la Russie de Vladimir Poutine.

Pourquoi un tel changement ?

Donald Trump voit l'Ukraine comme un fardeau pour les États-Unis. Il estime que c’est à l’Europe d’assurer sa sécurité. Il a repris le discours du président russe, déclarant que c’est le faux espoir d’adhérer à l’OTAN qui est la source du conflit. En réalité les Etats-Unis ne veulent pas s’attarder ni sur la Russie, ni sur la guerre en Ukraine. Leur rival principal aujourd’hui est bien la Chine. L’ensemble de la stratégie américaine sera donc concentré en ce sens.

Si les États-Unis se désengagent, l’Europe est-elle prête à prendre le relais ?

C'est la grande question. Les dirigeants européens se sont réunis à Kiev et à Paris, mais pour l’instant, ils n’ont pris aucun engagement concret. Certains pays comme la France et le Royaume-Uni veulent envoyer des troupes pour dissuader Moscou. D'autres, comme la Hongrie et la Slovaquie, penchent pour des négociations de paix. L'Europe ne parle pas d'une seule voix. Il y a un vrai débat sur la stratégie à adopter. Et puis, il y a la question du financement : l'UE parle d'un plan de 20 à 30 milliards d'euros pour l'Ukraine, mais rien n'est encore acté.

Et si l’Europe ne réagit pas, quelles pourraient être les conséquences ?

D'abord, l'Ukraine risquerait de perdre encore plus de territoire. Ensuite, un accord dicté par la Russie créerait un précédent très dangereux : il montrerait qu’une guerre d’invasion peut aboutir à des gains territoriaux. Cela inquiète particulièrement les pays baltes et la Pologne. Si la Russie obtient ce qu'elle veut en Ukraine, qu'est-ce qui l'empêcherait d'aller plus loin ? Certains parlent d'envoyer des forces européennes sur le terrain, non pas pour combattre, mais pour dissuader. Et en générale cette inaction des Vingt-sept serait un témoignage du déclin de la puissance européenne dans l’échiquier mondiale.

En plus du retrait américain, un autre facteur inquiète : Donald Trump cherche à conditionner l’aide à l’Ukraine à l’accès aux ressources minières du pays.

Tout à fait. Cette exigence place l’Ukraine dans une situation délicate. En échange de l’aide militaire triennale, Washington veut un accès privilégié sur l’exploitation des minerais ukrainiens, essentielles pour les technologies de défense. Cela crée un dilemme pour Kiev. Soit elle accepte un accord qui pourrait compromettre sa souveraineté économique, soit elle risque de perdre un soutien militaire crucial. Pour l’Europe, cela signifie une pression supplémentaire pour sécuriser ses propres approvisionnements en matières premières stratégiques.

L'Europe peut-elle réellement faire sans les États-Unis ?

C'est tout l'enjeu. N’oublions pas, que contrairement aux annonces de Donald Trump, les gouvernements européens sont les premiers donateurs pour l’Ukraine. On compte un montant total évalué à 132 milliards d’euros, soit près de 20 milliards de plus que les Américains. Elle en a donc les moyens, mais cela implique une vraie unité politique et des efforts financiers massifs.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.