L'Europe et le monde

Géorgie : bras de fer entre l’UE et la Russie

Géorgie : bras de fer entre l’UE et la Russie

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.

En Géorgie le parti prorusse a été déclaré vainqueur des élections parlementaires du 26 octobre dernier. Pourquoi ce résultat fait-il autant de bruit ?

Selon la Commission électorale, le Rêve géorgien a en effet remporté près de 54 % des voix, ce qui lui permet de conserver une majorité parlementaire qu’il a depuis 2012. En réalité, à travers ce vote les citoyens se prononçaient, comme lors des récentes élections moldaves, pour ou contre une intégration dans l’UE. Mais, ce résultat est vivement contesté par l’opposition pro-européenne et des observateurs internationaux, qui dénoncent des “irrégularités significatives”. On parle de fraudes massives, de pressions sur les électeurs, et des achats de voix.

Et quelle est la position de la présidente Salomé Zourabichvili ?

La présidente Zourabichvili est une figure clé du mouvement pro-européen géorgien. Après l’annonce des résultats, elle a appelé à une réponse ferme de l’UE et des États-Unis, indiquant que des sanctions sont nécessaires pour ramener le gouvernement vers une politique alignée aux valeurs démocratiques. Elle a d’ailleurs accusée le parti vainqueur d’avoir falsifié les résultats, poussant le Parquet géorgien à ouvrir une enquête.

Ces élections ravivent un débat bien plus large qu’une simple victoire électorale. Quelles en sont les répercussions stratégiques ?

L’importance est cruciale pour la Géorgie, située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, et son adhésion à l’UE revêt des enjeux stratégiques majeurs. C’est une ancienne république soviétique qui cherche depuis 20 ans à s’éloigner de l’influence de Moscou, pour se tourner vers Bruxelles et l’OTAN. Mais avec cette élection controversée, le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, remet en question cette orientation pro-européenne.

C’est d’ailleurs ce même parti, qui, en juin dernier avait fait passer deux textes de lois pro russe n’est-ce pas ?

Tout à fait. Ces deux textes de lois très controversés traçaient un parallèle évident avec la Russie. La première porte sur les agents étrangers et la deuxième sur le renforcement des pouvoirs de surveillance de l’État. Pour les observateurs occidentaux et les militants des droits de l’Homme, ces lois sont une entrave à la liberté d’expression et le droit à la vie privée, avec un pas de plus vers l’autoritarisme. D’ailleurs, elles ont suscité des manifestations massives au début de l’été, le peuple s’inquiétant de voir leur pays prendre une direction contraire aux valeurs européennes.

Et l’Union européenne avait menacé de prendre des mesures en réponse ?

Oui, ces lois ont suscité de vives critiques de Bruxelles et des capitales occidentales. En réponse, l’UE avait envisagé une série de sanctions contre la Géorgie, à appliquer si le gouvernement continuait sur cette voie, comme une réduction de l’aide financière ou encore des sanctions contre les hauts dirigeants. En réalité, l’UE se trouve dans une situation difficile. Elle veut soutenir les aspirations démocratiques de la Géorgie sans directement intervenir, le risque étant une bascule du pays vers l’autoritarisme.

Et dans ce contexte, quelle serait l’importance géopolitique de l’intégration de la Géorgie dans l’Union européenne ?

L’intégration de la Géorgie dans l’UE représenterait un symbole fort. Ce serait une victoire diplomatique pour l’Europe dans une région que Moscou considère traditionnellement sous son influence. Cela donnerait aussi un signal aux autres États du Caucase, comme à l’Arménie, que le chemin vers l’Europe est possible, même dans les zones d’influence russe. C’est donc un enjeu stratégique considérable.

Et dans le même temps, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a visité Tbilissi en affichant son soutien au Rêve géorgien…

Orbán, qui entretient une relation ambigue avec Bruxelles, est le seul leader européen à avoir publiquement félicité le Rêve géorgien pour sa victoire. Il a même salué des “élections libres et démocratiques”. Son soutien contraste avec le consensus européen qui critique les dérives autoritaires en Géorgie. Ce positionnement a suscité des inquiétudes au sein de l’UE, d’autant plus que la Hongrie préside actuellement le Conseil de l’Union.

Quelle est la suite probable de cette crise, selon vous ?

L’issue reste incertaine. L’UE pourrait intensifier les sanctions si le Rêve géorgien refuse de répondre aux préoccupations concernant les fraudes. Pour la Géorgie, ces semaines à venir sont cruciales : soit elle se rapproche de ses idéaux européens, soit elle continue de s’aligner avec Moscou. Évidemment, la pression des citoyens et de l’opposition reste un facteur déterminant.

Une interview de Laurence Aubron.

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