L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Aujourd’hui, on aborde un sujet qui suscite beaucoup de débat : la COP29, qui se tient en Azerbaïdjan. Un choix particulièrement controversé en raison du contexte politique et des violations des droits humains dans le pays.
L'Azerbaïdjan est une petro dictature dirigé par la famille Aliyev depuis 60 ans. Le pays est l'un des plus corrompus au monde. L’ONG Freedom House classe le pays parmi le "pire du pire" en termes de libertés civiles, aux rangs de l’Iran et de la Corée du Nord. On relève entre autres la répression de l’opposition, la torture dans les prisons et les arrestations arbitraires. D’ailleurs, une stratégie d’ingérence azéri vise à déstabiliser la France en Nouvelle-Calédonie et en Corse cultivant un sentiment antifrançais, contre les intérêts de la France.
Mais la controverse principale est évidemment l’octroi faite à l’Azerbaïdjan d’avoir le privilège d’accueillir la COP en octobre 2023, alors même qu’un mois avant elle commettait premier nettoyage ethnique du 21e siècle sur les 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh.
Et malgré ce contexte, la COP29 se tient donc à Bakou. Pourquoi ce choix ?
Le choix de Bakou a été très controversé. L’Azerbaïdjan repose essentiellement sur ses ressources énergétiques, notamment le pétrole et le gaz, ce qui contribue à son modèle économique polluant. L’ONU, l’UE et des organisations comme Human Rights Watch pointent la manière dont le régime d’Ilham Aliev instrumentalise ces événements internationaux pour améliorer son image, on parle de greenwashing, tout en menant des politiques répressives à l’intérieur et des agressions à l’extérieur. Cette ressource fait la fortune de l’Azerbaïdjan, mais c’est aussi une grosse source de pollution, ce qui rend paradoxal d’y accueillir un sommet pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Et comment l’Europe se positionne-t-elle dans ce contexte, particulièrement avec la présence de ses dirigeants à Bakou ?
Plusieurs dirigeants européens, comme Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Ursula von der Leyen, ont choisi de ne pas se rendre à Bakou. Selon les critiques l’Europe, représentée par Charles Michel, n’a pas la capacité d’influencer les décisions climatiques mondiales avec un tel manque de leadership. Le président azerbaïdjanais, a d’ailleurs attaqué la France en plein sommet. Le seul officier français, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l’Écologie, a donc elle aussi décidé de boycotter la COP. Il n’y aura donc plus de représentation politique de la France.
M. Aliev s’en est pris aussi le matin au Parlement européen et au Conseil de l’Europe, « deux institutions qui sont devenues les symboles de la corruption politique ». Il en a profité pour défendre les énergies fossiles, « cadeau de Dieu » et s’en prendre à l’Union européenne qui lui aurait demandé de « fournir plus de gaz », pour réduire sa dépendance au gaz russe.
C’est le commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra qui est présent il me semble.
Oui, c’est l'un des visages de l’Europe à Bakou. Il a pour mission de défendre les positions climatiques de l'UE, mais il se trouve dans un environnement compliqué. Persiste évidement la division interne sur le nucléaire, qui complique encore plus l'unité européenne à la COP.
Plus les critiques de la Chine et du Brésil sur l’ajustement carbone aux frontières de l’UE, la tâche du commissaire est délicate et la position européenne est affaiblie.
Avec ces tensions internes et externes, la COP29 risque-t-elle d'aboutir à des décisions concrètes ?
Difficile à dire. Il y a des points importants à l'ordre du jour, comme la révision du budget climatique après 2025, mais les tensions diplomatiques rendent l'issue incertaine.
Certains estiment même que cette COP fait plus de mal que de bien, en légitimant indirectement un régime autoritaire comme celui d’Azerbaïdjan. L'absence de leadership fort et les divisions internes pèsent sur la crédibilité de cette conférence.
La situation est complexe, effectivement. D’autant que des
figures comme Greta Thunberg ont choisi de boycotter cette COP29 en
solidarité avec l’Arménie et en raison des violations des droits humains en Azerbaïdjan.
Oui, Greta Thunberg a rejoint ceux qui dénoncent l’hypocrisie de tenir un sommet climatique dans un pays dont le bilan en matière de droits humains est si préoccupant.
Difficile de ne pas dissocier la question climatique des réalités sociales et politiques.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.