"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.
Sakina, cette semaine vous allez nous parler de robots sous-marins pour explorer les grands fonds.
En effet, Laurence. Et je vais plus particulièrement vous parler des engins sous-marins qui sont opérés par la Flotte océanographique française, que je vous ai déjà présentée. Certains de ces engins sont reliés par un simple fil à la surface. C’est le cas d’Ariane qui est dirigée depuis un navire en surface grâce à un joystick et plusieurs manettes, et qui dispose de batteries d’une dizaine d’heures d’autonomie. Ceci lui permet de parcourir une dizaine de km pour cartographier les fonds marins ou réaliser des prélèvements. L’Ariane mesure 3 m de long et peut ainsi plonger jusqu’à 2.500 m de profondeur.
Il existe d’autres robots capables d’aller plus profondément ?
Oui, en effet, c’est le cas de Victor 6000, dont le câble électro-porteur mesure 8.500 m. Le Victor 6000 a déjà réalisé plus de 800 plongées depuis son déploiement en 1999. Il dispose de bras articulés, capables de porter jusqu’à 100 kg, ce qui lui permet de manipuler des outils ou encore de prélever des roches, au nouveau des dorsales océaniques par exemple. Les bras articulés sont pilotés depuis un navire en surface. La nouvelle version du Victor 6000 disposera aussi de deux caméras vidéo ultra haute résolution, qui permettront une vue panoramique, en relief, et en temps réel. Le Victor 6000 avait d’ailleurs participé aux recherches du sous-marin Titan, qui avait disparu en juin 2023 à proximité de l’épave du Titanic.
La flotte océanographique française dispose-t-elle aussi de robots autonomes ?
Oui, c’est le cas des deux robots AsterX et IdefX, qui explorent les fonds marins jusqu’à 2 850 mètres de profondeur en toute autonomie, ou encore du robot Ulyx qui peut travailler jusqu’à 6000 mètres de fond. Ces robots autonomes ne sont pas reliés à la surface, et personne ne les pilote. On les appelle des AUV, pour véhicules sous-marins autonomes (Autonomous Underwater Vehicules). Ces robots sont équipés de capteurs qui permettent d’étudier la colonne d’eau, le fond des océans, ou de partir à la recherche d’objets ou d’épaves. Ces capteurs incluent des sondeurs multifaisceaux, des sondeurs de sédiments, des magnétomètres, des courantomètres, ou des caméras haute résolution.
Sakina, existe-il d’autres robots sous-marins, que ceux des scientifiques ?
Oui, tout à fait. Il existe d’autres types de robots sous-marins, qui ne sont pas dédiés aux sciences marines, mais qui servent par exemple à inspecter et à nettoyer les coques des navires marchands.
Existe-il également des sous-marins utilisés par les scientifiques et qui seraient capables d’aller échantillonner les très grandes profondeurs ?
Oui, tout à fait c’est le cas du Nautile, le seul sous-marin habité de la Flotte océanographique française. Il est de petite taille et peut accueillir 3 personnes à son bord : une ou un scientifique, une ou un pilote, et une ou un co-pilote. Le Nautile dispose de trois hublots à grand champ de vision ainsi que de projecteurs à LED, ce qui permet à son équipage d’observer directement les fonds marins. Il peut plonger jusqu’à 8 heures, dont 6 heures de travail à proximité du fond. Il pèse 18 tonnes et peut être déployé depuis les navires Pourquoi pas ? et L’Atalante. Si vous voulez le voir, des répliques du Nautile sont exposées à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris et à la Cité de la Mer de Cherbourg en Normandie. Le Nautile a plongé plus de 2 000 fois sous tous les océans du globe et a ainsi permis de nombreuses découvertes.
Quelles découvertes ?
Grâce au Nautile, on a pu découvrir de nouvelles espèces des grands fonds, comme des vers annélides le long de la dorsale médio-atlantique au large des Açores, des bivalves des plaines abyssales au large du Japon, ou encore des crustacés des suintements froids de la Mer Caraïbe. Plus récemment, c’est grâce à lui que des scientifiques ont pu échantillonner puis décrire la diversité et l’histoire évolutive de gastéropodes hydrothermaux du Pacifique, ou encore la distribution et la diversité de bactéries qui colonisent les fonds riches en fer de la Méditerranée. En permettant aux scientifiques d’aller explorer et d’échantillonner les grands fonds, des engins comme le Nautile permettent de repousser les limites de nos connaissances dans ces environnements extrêmes.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.