Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'Euradio à Bruxelles. Avec Thomas Kox, Baptiste Maisonnave, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Stratégie américaine : Costa répond qu’il veut prendre le lead de l’OTAN ; l’Europe mise au défi et divisée ;
- Bloquée par l’UE (pas encore entièrement), la Russie livre son gaz à la Chine ; Pékin dépasse les 1000B d’euros d’excédent commercial
- Energie : l’UE propose un plan d’1,2 B d’euros pour moderniser son réseau électrique largement insatisfaisant
On commence ce journal à Bruxelles, par un avertissement : celui du président du Conseil européen, Antonio Costa, “l’Europe ne doit pas seulement se protéger de ses adversaires, mais également de ses alliés”.
Oui, des propos qui s’inscrivent dans un contexte de tensions de moins en moins dissimulées entre Bruxelles et Washington. La parution, vendredi, de la stratégie de sécurité nationale américaine, n’a pas manqué de déclencher la stupéfaction des Européens, accusés de brimer la liberté d’expression et de s’écarter d’un modèle démocratique. Le document, long d’une trentaine de pages, décrit l’Europe comme au bord de “l’effacement civilisationnel” et accuse Bruxelles “d'asphyxie règlementaire”.
Pour Antonio Costa, ces accusations dépassent les bornes. “Nous ne pouvons accepter cette menace d’ingérence dans la vie politique européenne” a-t-il expliqué hier lors d’une conférence à Paris. “Les Etats-Unis ne peuvent pas se substituer aux citoyens européens pour choisir les bons ou les mauvais partis politiques” a-t’il poursuivi. Car au-delà d’une critique de l’Europe, le document publié par l’administration américaine soutient ouvertement “les partis européens patriotiques”, à l’extrême droite donc, de l’échiquier politique.
En proposant de passer des paroles aux actes, Antonio Costa a notamment déclaré que les pays européens devaient être prêts à prendre la tête de l’OTAN en 2027 ; une place que les Etats-Unis semblent décidé à délaisser à plus ou moins longue échéance
Oui, un calendrier ambitieux, encore plus que celui que peinent déjà à suivre de nombreux Etats membres et qui demande de consacrer 5% de leur PIB à la défense d’ici 2035. Si en un an, il est donc difficile d’imaginer que les 27 se fassent plus gros que le bœuf, le projet d’Antonio Costa témoigne d’une volonté de souveraineté européenne, et de répondre au défi posé par l’administration Trump.
Les représentants de l’UE et les leaders des 27 ne souhaitent cependant, pour la plupart d’entre eux, ne pas enterrer trop vite l’alliance transatlantique.
Oui, à commencer par la vice-présidente de la Commission européenne, Kaja Kallas, qui continue de désigner Washington comme “le plus grand allié” de l’Europe et qui affirmait même lundi que certaines critiques de Washington contre l’UE étaient, je cite, “fondées”. Rares sont les réactions au niveau des chefs de gouvernement, à l’exception des amis de Donald Trump, comme Viktor Orban, premier ministre hongrois, qui ne manquait pas, vendredi, de soutenir Elon Musk en critiquant l’amende récemment infligée à X par la Commission européenne. Son ministre des affaires étrangères, Peter Szijjarto, avait alors ajouté, je cite, “nous travaillons à une révolution patriotique pour rendre à l’Europe sa grandeur”.
On continue ce journal au port industriel de Beihai, dans le sud de la Chine. Malgré l’entrée en vigueur des sanctions américaines contre le pétrole russe, le géant russe Gazprom livre du gaz naturel liquéfié à Pékin.
Oui, une livraison confirmée par imagerie satellite : le navire-citerne de l’usine russe GNL Portovaya, filiale du géant Gazprom, a dû contourner l’Afrique pour rejoindre la Chine. C’était la seule manière d’éviter les sanctions, puisqu’il est, depuis le début de l’année, ciblé par le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, la Suisse et l’Ukraine.
L’Union européenne a décidé, la semaine dernière, d’interdire totalement ses importations d’hydrocarbures russes – à quelques exceptions près – à l’horizon 2027 et, de ce fait, la Chine intervient donc comme client de substitution, et un client de poids : ses importations de gaz russe ont augmenté de 37 % par rapport à l’an dernier.
Quelques chiffres : en septembre, Moscou a livré près de 1 300 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié à Pékin, contre 751 000 tonnes en septembre dernier.
Ce basculement de marché n’est pas inédit ; plusieurs signes l’avaient déjà laissé deviner au cours des derniers mois.
Oui, en septembre notamment, le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, annonçait l’ouverture d’un nouveau gazoduc reliant la Russie à la Chine, baptisé “Power of Siberia 2”. Alexeï Miller avait alors expliqué qu’il vendrait son gaz à la Chine à un prix inférieur à celui qu’il appliquait aux Européens, et qu’il augmenterait ses exportations vers le pays grâce à ses deux gazoducs déjà existants. Moscou est aujourd’hui le principal fournisseur de gaz de la Chine.
On termine ce journal à Bruxelles. La Commission européenne s’apprête à lancer un grand projet dans le domaine de l’énergie, chiffré à 1,2 milliards d’euros. Le plan vise à moderniser le réseau de l’UE, mal adapté à la transition énergétique.
Oui, avec trois grands domaines à l’étude : les procédures d’autorisations pour renouveler les infrastructures, le lancement de projets d’énergie renouvelable, et l’amélioration des capacités de stockage d’énergie. Trois points qui font pour l’instant défaut dans le réseau énergétique européen, décrit dans le document de la Commission comme fragmenté et inadapté.
A titre d’exemple : un projet lié à l’énergie renouvelable peut mettre jusqu’à neuf ans avant d’être validé par l’Europe, ce qui, au-delà d’un rythme particulièrement lent dans le processus de transition énergétique, entraîne régulièrement des coûts supplémentaires.
Concrètement, qu’est-ce qui pourrait changer avec ce plan ?
Ce projet permettra d’établir des connexions de réseau à travers les Pyrénées, de connecter Chypre à l’Europe continentale et les Etats baltes en reliant la Lituanie et la Pologne. Un chantier d’ampleur donc, qui s'accompagne d’une amélioration des capacités de stockage de l’énergie en reliant la Tunisie, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne parce que la Commission appelle “un corridor hydrogène".
Le plan est d’autant plus important que l’Union européenne doit rattraper son retard sur ses engagements : elle souhaite atteindre 15% d’interconnexion des réseaux d’ici à 2030, or, 14 des 27 Etats membres sont encore en deçà de cet objectif.
Un journal de Baptiste Maisonnave, Ulrich Huygevelde et Paul Thorineau.