Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'Euradio à Bruxelles. Avec Thomas Kox, Baptiste Maisonnave, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Frontex : deux notes danoises révèlent les ambitions de l’UE pour l’agence, avec drone, cyber surveillance et IA.
- Grèce : les agriculteurs bloquent les autoroutes après scandale de fraude gouvernemental
- TotalEnergie : Le Royaume-Uni retire son soutien financier après deux procédures judiciaires
On commence ce journal à Bruxelles, au Conseil européen. La diffusion de deux documents internes a récemment révélé les ambitions des 27 quant à la transformation de l’agence Frontex. L’agence pourrait voir, dès le renouvellement de son mandat en 2026, ses pouvoirs renforcés, y compris en dehors des frontières européennes dont elle a la charge.
Oui, si ces deux notes n’impliquent pour l’instant aucune décision définitive, elles traduisent clairement les souhaits de l’UE en ce qui concerne la gestion de la migration et la protection de ses frontières. La première note, envoyée fin octobre, demande aux capitales européennes si elles souhaitent étendre les capacités de l’agence au-delà du territoire de l’UE, dans les Balkans principalement, mais aussi au Sénégal et en Mauritanie.
Alors pourquoi ces deux pays d’Afrique ? Et bien parce que la commission européenne réfléchit depuis plusieurs mois aux modalités du pacte Asile et Migration auxquels les 27 sont soumis, notamment en ce qui concerne les potentiels “hubs de retour”, qui permettraient de renvoyer les migrants arrivés illégalement en Europe vers des pays extérieurs à l’Union, y compris, donc, au Sénégal et en Mauritanie.
Et la deuxième note ?
Celle-ci, plus axée sur les techniques dont peut se servir l’agence, est particulièrement surprenante : elle décrit les “menaces hybrides” auxquelles sont confrontées les frontières européennes, évoquant notamment les récentes incursions de drones imputées à la Russie. C’est là un pan habituellement moins évoqué de Frontex, qui pourrait, si l’idée est validée par les 27, s’équiper d’un tout nouvel arsenal : des unités de cyber-surveillance, des opérateurs de drones “pour une observation en temps réel” et des technologies alimentées par l’intelligence artificielle, sans précision quant à leur application exacte.
La note propose également la mise en place d’une unité spéciale d’intervention, qui pourrait être déployée en cas de “situation extraordinaire”. Ursula von der Leyen avait déjà insufflé l’idée, rappelons-le, de tripler les effectifs de Frontex d’ici 2027, pour atteindre 30 000 agents.
Mais cette extension des pouvoirs de Frontex, Baptiste, soulève beaucoup de questions au sein de 27.
Oui, et c’est d’ailleurs l’un des principaux sujets mentionnés dans les notes danoises : qui contrôle l’agence ? Les gouvernements souhaitent clarifier le sujet avant toute réforme, explique le média Euractiv, qui indique que la création d’un organisme d’évaluation externe pour auditer ces opérations est également sur la table.
Car si la place de Frontex ne cesse de grandir au sein des discussions européennes, il faut noter qu’aucun de ses conseils d’administration ne compte de représentants de l’ensemble des capitales de l’UE. Un mécanisme de gestion dédié à l’agence, inédit, permettrait donc d’assurer un certain équilibre dans le traitement des sujets liés à la migration qui, fréquemment, sont sources de débats dans l’UE.
On continue ce journal en Grèce, sur la route nationale qui relie Thessalonique à Athènes plus précisément. Depuis dimanche, d’intenses mobilisations traversent le pays ; elles se sont intensifiées hier, menant à des affrontements entre la police et les agriculteurs.
Oui, les agriculteurs grecs protestent contre l’augmentation des coûts de production, l’extrême faiblesse de leurs revenus et les retards de paiement de l’OPEKEPE, l’agence gouvernementale chargée de leur verser les aides européennes. Des blocus sont attendus toute la semaine, alors que les tracteurs envahissent les routes qui mènent à la capitale. Des affrontements avec la police anti-émeute ont déjà envoyé quatre personnes à l'hôpital.
Derrière ce mouvement grandissant, une affaire de fraude de plusieurs millions d’euros, des subventions versées indûment par l’OPEKEPE. Ces subventions européennes gérées par l’agence grecque attisent donc la colère des agriculteurs et ont mené à l’arrestation d’une dizaine de personnes la semaine dernière. En chiffres : seulement 324 personnes ont bénéficié des quelque 19 millions d’euros versés par la Commission, dans un pays qui compte 11% d’agriculteurs.
Le
parquet européen mentionne des activités de blanchiment
d’argent, et une “fraude massive et systématique" de ces subventions
agricoles.
Oui, l’affaire a été révélée en mai, elle a mené à des dizaines d’arrestations fin octobre, mais ses répercussions se ressentent encore aujourd’hui. Le groupe criminel ayant détourné ces fonds serait actif depuis 2018 précisent les procureurs européens ; il est soupçonné d’avoir, je cite, “déclaré frauduleusement des terres agricoles et des pâturages ne leur appartenant pas”.
Or, l’un des protagonistes de ce détournement, gérant d’une coopérative laitière, est également membre du parti au pouvoir Nouvelle Démocratie. L’agriculteur, surnommé “Frappé” dans l’affaire pour son attrait pour la boisson glacée typiquement grecque, aurait empoché à lui seul 2,5 millions d’euros. Le parti du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, Nouvelle Démocratie, traverse depuis une chute libre dans les sondages, passant de 40% d’intentions de vote en 2023, à 26% dans les derniers résultats.
On termine ce journal au Royaume-Uni. Le pays a annoncé lundi retirer son soutien financier du projet de Total Energies au Mozambique. Une affaire loin d’être uniquement fiscale puisque, rappelez-vous, le géant français des hydrocarbures est visé par deux procédures judiciaires à la suite d’une attaque terroriste extrêmement violente en 2021.
Oui, Londres s’était pourtant engagé à soutenir l’entreprise à hauteur de 988 millions d’euros. Une somme désormais retirée donc, puisque le projet “ne servira pas les intérêts du pays”, explique le ministre britannique du commerce, Peter Kyle, qui ajoute que “le gouvernement de Sa Majesté estime que les risques ont augmenté depuis 2020”.
Pour rappel, plusieurs attaques de groupes djihadistes avaient entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes au Mozambique, y compris dans la région riche en gaz investie par Total Energie. Après quatre ans de suspension de ses activités, le groupe vient d’en annoncer la reprise, espérée pour 2029 - un investissement qui représente tout de même plus de 17 milliards d’euros.
En France, le groupe fait l’objet d’une information judiciaire pour homicide involontaire.
Oui, un récent fait d’actualité que n’a pas mentionné le ministre anglais : Total Energie avait, en 2021, recruté des soldats mozambicains pour assurer la protection du site ; ces derniers sont accusés d’avoir tué des dizaines de villageois - le journal Politico assure même que le groupe était au courant de ces violences.
Plusieurs banques françaises et européennes sont encore engagées dans le financement de ce projet d’exploitation de gaz, qui pourrait, explique le cabinet Deloitte, “faire du Mozambique l’un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz, contribuant à 20% de la production africaine d’ici à 2040”.
Un journal de Baptiste Maisonnave, Ulrich Huygevelde et Paul Thorineau.