Smart for Climate

L’actionnariat, nouvel outil des investisseurs pour lutter contre le changement climatique - Smart for climate

L’actionnariat, nouvel outil des investisseurs pour lutter contre le changement climatique - Smart for climate

Bonjour Jeanne, dans votre métier, on est en ce moment au cœur de la publication des résultats
financiers des entreprises pour l’année 2021, et des assemblées générales. Est-ce que cela met le
climat au cœur des discussions ?

Bonjour Laurence, oui en effet la période des assemblées générale bat son plein, récemment des militant·es écologistes sont intervenu·es à l’assemblée générale de BNP Paribas pour protester contre l’investissement dans les énergies fossiles. Le climat n’est pas au cœur d’une assemblée générale, l’objectif principal est de faire voter aux actionnaires l’approbation des comptes de l’entreprise. Au-delà des comptes et des statuts juridiques de l’entreprise, les assemblées générales permettent aussi de voter des résolutions : une stratégie de moyen ou de long terme ou la rémunération de ses dirigeant·es par exemple. C’est par des résolutions que les actionnaires peuvent voter pour ou contre une stratégie à propos de la gestion du changement climatique.

Est-ce que voter est une manière efficace de faire changer les entreprises ?

En théorie oui parce que les entreprises sont légalement obligées de mettre en place les résolutions votées. Par ailleurs les assemblées générales sont très observées et commentées, donc c’est un moyen de pression important pour les actionnaires parce que cela peut influer sur la réputation des entreprises.

Justement, est-ce que certains investisseurs font voter des résolutions de lutte contre le changement climatique.

Oui, pour que ces résolutions passent, elles doivent être votées à la majorité, donc un moyen efficace est de se regrouper. Et pour cela je voudrais mettre en avant 2 initiatives qui permettent de faire cela : tout d’abord la coalition Climate Action 100+ ; ce sont 700 investisseurs signataires qui ont pour objectif d’aligner les 100 entreprises les plus polluantes de la planète avec l’Accord de Paris. Certains investisseurs se chargent d’interpeller les entreprises, et de rédiger des résolutions ; cela fait bouger certaines entreprises qui mettent en place des plans d’action pour éviter une mauvaise image. Il y a aussi le CDP, un organisme à but non lucratif qui sert de plateforme pour que les entreprises viennent y déposer leur bilan carbone. Depuis 2 ans, une campagne a lieu chaque année : le CDP envoie des lettres avec les noms de grands investisseurs (mais aussi des plus petits, comme nous chez Fideas) pour encourager les entreprises à se décarboner sérieusement, en suivant des recommandations scientifiques.

Avez-vous un exemple en tête d’un cas qui a marché ?

Je vais prendre l’exemple de TotalEnergies, parce que c’était très récemment dans l’actualité. L’entreprise a fait voter à son assemblée générale en 2021 une stratégie bas-carbone, que certains investisseurs ont jugée peu suivie avec un manque de transparence. Ils ont donc déposé une résolution pour obliger TotalEnergie à s’aligner avec l’Accord de Paris. L’entreprise ayant fait de nouvelles promesses en matière de transparence sur les progrès réalisés, cette résolution a été retirée.

Au fond est-ce que cela montre que les entreprises se soucient davantage de leur image que du climat ?

La question est légitime, les entreprises accordent énormément d’importance à leur réputation, surtout leur réputation autour de la question du climat. Comme le rapporte l’initiative Climate Action 100+, la quasi-totalité des entreprises les plus polluantes a émis des objectifs de long terme pour diminuer leurs émissions. Mais cela ne suffit plus aux investisseurs, qui vont désormais accentuer la pression pour que les entreprises fassent preuve de transparence sur les progrès qu’elles font, et qu’elles établissent des objectifs de court et moyen terme pour mettre en route les choses et éviter l’inaction.

Jeanne Gohier au micro de Laurence Aubron

Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européen·nes Climate Action 100 d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.

Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici