La guerre des étoiles

La défense planétaire

© NASA - Johns Hopkins APL La défense planétaire
© NASA - Johns Hopkins APL

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour parler des menaces extraterrestres qui pèsent sur notre planète. On a déjà évoqué dans La guerre des étoiles le nombre croissant de satellites en orbite terrestre et les risques de collision, qu’est-ce qui pourrait nous tomber sur la tête à part des débris ?

Des astéroïdes ! Plus particulièrement, des astéroïdes géocroiseurs, donc dont la trajectoire croise celle de la Terre. Et là on ne parle pas de comètes qui donnent de jolies pluies d’étoiles filantes, mais bien de scénarios catastrophes comme Chicxulub, l’astéroïde de dix kilomètres de diamètre qui s’est écrasé dans le Yucatan il y a soixante-six millions d’années, et qui est responsable de l’extinction des trois-quarts de la biodiversité de la planète à l’époque.

Une perspective terrifiante, pour un objet qui fait un tiers de la distance Strasbourg-Bruxelles.

C’est ce qui rend tout objet potentiellement très dangereux, c’est sa vitesse, sa trajectoire d’impact, où il atterrit, et de quoi il est composé, qui compte au moins autant que sa taille. Par exemple, dans le cas de l’extinction des dinosaures, c’est la poussière qui a caché la lumière du soleil pendant quinze ans dans l’atmosphère qui a tué presque toute la vie sur Terre, pas l’impact en lui-même.

Comment l’humanité se protège-t-elle de ces dangers potentiels ?

A l’heure actuelle, nous sommes très vulnérables. On a des voitures qui conduisent toutes seules, des bras bioniques, des chaussures qui se lacent toutes seules, mais on a pas de moyen efficace de se protéger d’un potentiel événement cataclysmique.

Plusieurs missions d’agences spatiales travaillent à remédier à ça, depuis plusieurs années. L’ESA mène une opération de défense planétaire qui participe à recenser les objets dans notre système, ceux près de la Terre, et les catalogue en fonction de leur dangerosité. Mauvaise nouvelle, il y a trente-six mille objets proches de notre planète, et mille sept cent sont considérés comme à risque.

C’est un constat inquiétant si l’on a pas les moyens d’écarter le danger.

L’intérêt de cette opération c’est qu’on a quand même une bonne visibilité des menaces potentielles, ça permet de garder un oeil sur les trajectoires des astéroïdes, d’observer leur composition, leur densité, de prévoir des missions d’observation rapprochées pour en apprendre plus ; et d’anticiper si la menace devient très tangible.

Concrètement, comment l’humanité peut se protéger à l’heure actuelle ?

La NASA a mené en 2022 la mission DART, l’acronyme de Double Asteroid Redirection Test. Le but était de voir si un impact permettait de détourner un astéroïde de sa trajectoire, en l’occurrence un astéroïde avec un autre astéroïde lui orbitant autour, d’où son nom de ‘double’. La sonde DART a impacté le petit astéroïde Dimorphos qui orbitait autour de Didymos, et a raccourci sa trajectoire d’orbite.

Donc on maîtrise la technologie nécessaire pour détourner un astéroïde géocroiseur en cas de danger ?

Oui et non. Envoyer une sonde télécommandée dans l’espace et provoquer un impact, on sait faire. Par contre, il est très compliqué de savoir comment la trajectoire va être impactée, si l’astéroïde sera suffisamment détourné pour juste nous frôler à bonne distance, si sa composition est juste un amalgame de poussière pas très dense ou des mètres de fer très lourd…

La mission DART a prouvé que l’on pouvait modifier la trajectoire d’un astéroïde, mais il faudra beaucoup plus de missions pour affiner la technique –d’abord sur des astéroïdes qui ne sont pas géocroiseurs comme Dimorphos–, et des missions d’études des astéroïdes proches de nous qui sont des menaces potentielles, pour étudier leur composition.

Nous ne sommes pas encore à l’abri, donc.

Non, mais on commence à être plus équipés. Entre l’observation de nos voisins objets, les missions comme DART ou celles que la Chine prévoit, des agences et entreprises qui travaillent à imaginer des lasers désintégrateurs et d’autres technologies pour se protéger… on progresse sur la défense planétaire.

Il reste aussi l’étape d’être réactif, de pouvoir envoyer rapidement une sonde-suicide pour dévier un impacteur. Tout ça implique aussi idéalement une coopération internationale, puisque la défense planétaire, de fait, est dans l’intérêt de tout le monde. L’ESA là-dessus est bonne joueuse, elle partage ses registres, comme d’autres observatoires de recensement ; et elle a lancé la sonde Hera en octobre 2024 pour aller observer de près les effets de la mission DART, où elle y arrivera fin 2026 normalement.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.