La guerre des étoiles

L'Opération Olympic Defender et le Système Toutatis

Photo de Robert Boston - Unsplash L'Opération Olympic Defender et le Système Toutatis
Photo de Robert Boston - Unsplash

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

En mai 2020, l’US Space Command, la division consacrée à l’espace de l’armée états-unienne, lançait l’Operation Olympic Defender. Selon l’armée américaine, l’objectif de cette opération multinationale est de, je cite, “renforcer les capacités des alliés à détecter des actes hostiles en orbite, renforcer la dissuasion envers les acteurs hostiles, et réduire la prolifération des débris en orbite terrestre.” Quelques mois plus tard, le Royaume-Uni annonçait rejoindre le programme… Pourquoi s’intéresser à l’opération Olympic Defender plutôt qu’au programme Artémis, dont on entend beaucoup parler, avec cet objectif affiché de ramener des humains sur la lune ?

Ce qu’il faut bien comprendre sur l’opération Olympic Defender, c’est qu’il s’agit d’un programme militaire, lancé par les Américains et qui vise à protéger leurs intérêts stratégiques et ceux des alliés qui participeront à l’opération. C’est un appel lancé notamment aux armées européennes, et a fortiori à celles qui ont déjà un accès à l’espace ou des satellites. Ce qu’il faut également avoir à l’esprit, c’est que c’est un moyen de renforcer la coopération spatiale des alliés otaniens sur un aspect plus restreint et dans un cercle plus restreint, avec pour objectif implicite de surveiller et contrer l’acteur chinois en orbite.

Un retour de la guerre froide, juste au-dessus de nos têtes… Et pourquoi s’adresser aux Européens, qui, nous en parlions ces dernières semaines, ne sont actuellement pas attractifs sur le domaine spatial ?

Les Etats-Unis ont un intérêt à coopérer avec les Européens pour l’Olympic Defender pour de nombreuses raisons : ce sont des commandements qui ont l’habitude de communiquer avec les Américains au sein de l’OTAN, il y a déjà une utilisation partagée des renseignements collectés par les satellites américains et européens pour les théâtres d’opération, et la France aurait particulièrement été un allié de choix puisque c’est le moteur du spatial en Europe, que l’armée française opère des satellites de renseignements, que la DGA est très investie dans le guidage et le soutien aux entreprises du New Space français…

Vous sous-entendez que la France ne fera pas partie d’Olympic Defender

C’est effectivement une possibilité. La France laissait planer le doute et n’avait pas répondu à l’invitation américaine, et a dévoilé en septembre dernier son projet national et individuel, Toutatis. Toutatis est un système de défense en orbite basse de l’opération ARES (Action et résilience spatiale) du ministère des armées, qui est destiné à garantir l’autonomie de la France, et dans la lignée actuelle des initiatives de défense prises ces deux dernières années, potentiellement l’autonomie stratégique européenne.

Historiquement, la France n’est pas prône à s’aligner sous des programmes américains, et la situation intérieure outre-Atlantique explique sans doute ce mutisme français sur Olympic Defender pour le moment. Après, il faut aussi dire que l’ingénieure générale de l’armement de la DGA, Eva Portier, a rappelé en septembre que l’armée française coopérerait et continuerait de coopérer avec ses alliés à la régulation des activités spatiales. Les objectifs affichés par Toutatis, ARES, et Olympic Defender sont les mêmes : être en mesure d’observer et de se défendre contre les menaces en orbite qui porteraient atteinte aux intérêts stratégiques des pays alliés. Une coopération d’ARES au sein d’Olympic Defender n’est donc pas à exclure, une fois que Toutatis aura fait ses preuves et que l’autonomie française sera assurée.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

Sources :

  • United States Space Command. “USSPACECOM releases first formal order to execute multinational space operations”, U.S. Space Command Public Affairs Office, May 21, 2020.
  • Werner, Debra. “French armament agency responds to space threats”, Space News, Sep 17, 2024.
  • Graindorge, Thomas. “L’Armée française dévoile «Toutatis», son nouveau système de défense en orbite basse”, Capital, Sep 18, 2024.