La guerre des étoiles

Les applications civiles du spatial

© ESA Les applications civiles du spatial
© ESA

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour parler des applications civiles du secteur spatial. Avant même de plonger dans ce sujet, qu’entendez-vous par ‘applications civiles’ et par ‘secteur spatial’ ?

Par ‘applications civiles’, on entend ce qui peut être utilisé par -ou pour- la société civile, c’est-à-dire tout le monde dans sa sphère privée et dans sa sphère professionnelle si elle n’est pas militaire, et dans la sphère publique. On oppose le civil au militaire parce que ce ne sont pas les mêmes lois qui les régissent.

En ce qui concerne le secteur spatial, l’idée est de transposer à la société civile les recherches, les innovations technologiques, de ressources humaines, médicales etc qui sont imaginées, voire mises en place, dans les entreprises et agences du secteur.

De quel type d’innovations parlons-nous ?

Principalement d’innovations qui s’appliquent ensuite au domaine médical, même si on pourrait élargir ça à des champs d’études théoriques si on regarde les recherches faites par des astrophysiciens par exemple. Mais en termes d’applications concrètes d’innovations réalisées pour ou par le secteur de l’observation et de l’exploration spatiale, c’est particulièrement les applications à la médecine et la santé qui sont appliquées.

Après, avec des projets comme le Starship de SpaceX ou la construction d’une base lunaire, des applications au transport, civil ou militaire, et des applications au secteur de la construction et du logement, respectivement, sont à l’horizon.

Quelles sont les technologies que l’on utilise et que l’on doit au secteur spatial sans le savoir ?

Un bon exemple est l’imagerie médicale : l’ONERA, l’office national français d'études et de recherches aérospatiales, a tout un département qui fait des recherches sur le domaine optique. Et en 2020 a commencé à être implémenté dans le domaine de l’imagerie ophtalmologique une technique d’imagerie qui va permettre une meilleure prise en charge des patients, grâce à une technologie développée à la base pour une obtenir une meilleure résolution et ciblage des éléments observés dans le domaine de la défense.

Pareil de l’autre côté de l’Atlantique : les recherches de différents départements de la NASA sur l’observation de trous noirs grâce à des outils de rayons X ou sur comment topographier la surface de lunes et de planètes ont permis une amélioration des scanners et des IRM dans le domaine médical, pour pouvoir mieux détecter des blessures et des pathologies chez les patients.

Un bon retour sur investissement, si l’usage de ces technologies est double.

Oui, c’est quelque chose qui est rarement pris en compte quand les budgets sont alloués à ces agences, mais en réalité quand on entend ‘il y a plus urgent que d’observer et explorer d’autres galaxies !’ on pourrait répondre ‘meilleure qualité de vie ! matériaux innovants utiles dans le combat contre le dérèglement climatique !’

Parce que si les agences spatiales peuvent construire des isolants capables de protéger les astronautes des rayonnements cosmiques qui peuvent désagréger l’ADN, des sondes capables de résister à l’atmosphère de presque 500 degrés celsius de Vénus, alors on peut imaginer des isolations thermiques pour les habitations plutôt efficaces !

Mais est-ce que toutes les applications sont d’heureux hasards à double usage, ou est-ce que le secteur spatial pense aux applications civiles dans ses recherches ?

Plus de la moitié des acteurs du secteur aujourd’hui existent pour et grâce à la société civile. La défense est un gros moteur de recherche et de financement, bien sûr, mais la commercialisation des services et des technologies du spatial est ce qui motive et permet le développement du new space.

Et tout un pan de la recherche du secteur est en fait déjà civil ! Par exemple, les expériences menées en apesanteur sur l’ISS, et dans le futur sur des modules en orbite publics ou privés, sont pour fabriquer et tester des médicaments et des cellules souches de maladies. Par exemple, beaucoup de recherches sur des cellules cancéreuses sont faites sur l’ISS. Et beaucoup de laboratoires pharmaceutiques sont très demandeurs de créneaux de recherches, parce que les molécules n’agissent pas de la même manière quand elles ne sont pas soumises à la gravité terrestre.

Ce sont des innovations non-spatiales mais grâce au secteur spatial qui sont appelées à se multiplier, j’imagine ?

Ces laboratoires pharmaceutiques ont les poches très profondes, et sont prêts à beaucoup investir dans des stations spatiales privées qu’elles pourront utiliser pour développer de nouveaux traitements et engendrer encore plus de bénéfices. C’est un pari gagnant pour la recherche médicale, et un modèle économique viable.

Et c’est le même calcul pour la fabrication de matériaux en microgravité, comme les semi-conducteurs ou les fibres optiques, parce que le processus de fabrication permet d’obtenir des matériaux avec moins d’impuretés, et donc de meilleure qualité. Et avec l’usage exponentiel des outils numériques et de l’intelligence artificielle, la demande pour les semis-conducteurs et les fibres optiques ne va pas diminuer prochainement.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.