La guerre des étoiles

Le nouveau budget de la NASA : quelles conséquences pour le secteur spatial occidental ?

© NASA Le nouveau budget de la NASA : quelles conséquences pour le secteur spatial occidental ?
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Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons après notre pause estivale, et la température a grimpé cet été, y compris pour la NASA !

Effectivement, on savait que l’administration Trump prévoyait de grosses coupes budgétaires, qui allaient particulièrement toucher les départements scientifiques de la NASA. Des licenciements ont déjà commencé à avoir lieu, et de manière générale ce n’est pas une période propice à la recherche aux Etats-Unis. La plus grosse inconnue, c’était à quel point les coupes budgétaires allaient affecter le programme Artémis de retour sur la Lune.

Le Congrès américain a voté le budget en juillet, quel constat peut être fait ?

Que la NASA s’en sort très très bien. Le budget a été maintenu à près de 25 milliards de dollars annuels, la NASA ne perd que quelques millions de budget. Par contre, la manière dont les fonds sont alloués en fonction des programmes va profondément changer et nécessiter une réorganisation en interne. La tendance à supprimer les financements de la recherche se confirme, mais le Congrès a tempéré les ardeurs de la Maison Blanche ; donc les branches science, technologies spatiales vont perdre beaucoup, mais beaucoup moins que ce qui était originellement craint.

Si le budget est finalement presque le même, où va être redirigé le surplus budgétaire ?

Dans l’exploration spatiale. Le programme Artémis va donc être maintenu, l’architecture du SLS, le lanceur des missions, aussi. Il y a encore plein d’incertitudes sur ce qui va être maintenu ou non d’Artémis, l’augmentation du budget d’exploration ne veut pas dire que la Gateway, la station spatiale en orbite cislunaire, va être finalement maintenue. On en saura plus au fil des conférences de presse et des allocations du budget à différents programmes.

Ce qui est sûr, c’est que le Congrès, contrairement à l’administration Trump, a clairement identifié le retour sur la Lune, et le maintien de la compétition avec la Chine, comme étant un objectif critique.

Ce que ça veut aussi dire, c’est que les ambitions martiennes des Américains ne sont pas abandonnées, à voir si ça signifie un retour de la mission de retour d’échantillons martiens dont les Européens profiteraient également.

Est-ce que l’ESA peut pousser un soupir de soulagement, ou pas encore ?

De manière générale, d’un point de vue politique, c’est un soulagement parce que ça montre que le Congrès américain joue encore un rôle dans l’appropriation des fonds fédéraux. Ça veut dire, concrètement, que Trump n’a pas tout à fait les pleins pouvoirs, puisque la Chambre des représentants a modifié à la hausse le budget proposé. Mais, pour l’ESA, ça n’est pas une garantie que la NASA honorera ses engagements passés, ni qu’elle va redevenir ou continuer d’être un partenaire fiable. Là où la tendance globale est d’augmenter les budgets consacrés au spatial, que l’avenir soit aussi incertain pour plein de départements et de programmes spatiaux américains, c’est quand même très mauvais signe.

Néanmoins, les financements des opérations pour la station spatiale internationale et pour le programme Artémis n’ont finalement pas été revus à la baisse, donc ces missions vont avoir lieu. Il va falloir voir avec le temps si la diminution des budgets science signifie qu’il faudrait revoir peut-être le rôle de l’ESA dans les programmes en revanche.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire qu'en l’état, ce qui semble motiver les Américains, c’est d’explorer pour planter un drapeau avant les Chinois. Or, l’exploration spatiale n’a fondamentalement d’intérêt que si on y mène des missions scientifiques pour mieux comprendre notre environnement immédiat dans le système solaire, et au-delà.

Donc ce qui pourrait être une solution pour maintenir l’intégrité scientifique aussi bien que la représentation symbolique et politique de ces programmes, c’est que l’ESA prenne en charge les aspects scientifiques des missions lunaires, martiennes, joviennes (donc autour de Jupiter), ou vénusienne (donc autour de Vénus, à laquelle s’intéressent à nouveau beaucoup d’agences ces temps-ci). Ça voudrait dire compenser du côté européen les coupes budgétaires qui supprimeraient certains instruments de mesure ou d’observation embarqués sur des sondes, par exemple. Ce qui impliquerait quand même une nette augmentation du budget spatial européen, sans certitude que les Américains mènent jusqu’au bout leurs partenariats trans-Atlantique, et à un moment où l’économie européenne va souffrir des accords conclus par la Commission avec Donald Trump, et où tous les secteurs subissent des coupes budgétaires au profit de la défense. Même si une partie du secteur spatial profite de ces investissements sécuritaires !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.