Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il est question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Tout d’abord, une soustraction. 172 – 139. 33. Ce nombre qui vous paraît peut être inconnu représente un résultat. Celui de la réflexion de nos politiciens. Celui de la réflexion de nos politiciennes. Oui, comme vous avez pu le remarquer j’insiste car ce sont deux genres qui ont voté contre la proposition de la constitutionnalisation de l’IVG la semaine dernière.
Ce résultat vous surprend ?
Me surprend ? Non. M’indigne ? M’horrifie. Oui. Vous savez je me trouvais sur mon canapé lorsqu’une notification m’avertit de ce drame. Et là j’ai bondi. Bondi comme une femme tentant désespérément de rattraper son destin, de se sauver. Puis, je suis restée là, sans voix, le regard perdu à la recherche de réponses.
Pourquoi ? Ce refus ne parle-t-il pas de lui-même ?
Sotte que j’étais, ou devrais-je dire dubitative, je l’ai pensé dans un premier temps en effet.
Puis, l’heure de la réflexion, la mienne cette fois-ci s’est présentée. J’ai tout d’abord pensé à la clause de conscience.
La clause de conscience ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La clause de conscience est une pratique permettant d’offrir le choix aux médecins. Celui de refuser de pratiquer l’IVG si celui-ci heurte leurs convictions éthiques, morales et religieuses. D’autant que cette clause de conscience n’est pas restreinte qu’à la théorie mais elle s’inscrit dans notre vie quotidienne, puisque que le taux de médecins effectuant cette pratique représente 10% en Europe en 2016 dont 79% dans la région de Rome.
La constitutionnalisation du droit à l’IVG impacterait-elle cette clause de conscience ?
Absolument pas. Ce qui est également le cas pour la durée pour laquelle une femme peut effectuer une IVG, soit 14 semaines en France. Ainsi, pourquoi donc refuser cette proposition de loi ?
Il s’agit peut-être du fait que nos politicien·nes pensent que nous sommes éloigné·es des cas américain et hongrois ?
À ceci ma réponse se résume à trois illustrations. L’Espagne, le Portugal, la Slovaquie. Je commence avec l’État le plus éloigné, la Slovaquie. On recense au sein de ce dernier 11 propositions de loi ayant pour but d’encadrer l’accès à l’avortement. Ce n’est ni 1, ni 2, mais 11.
Puis, prenons l’exemple du Portugal qui avait en 2007 légalisé l’avortement. C’est en 2015 que ce dernier décide d’amender une loi afin de mettre tous les frais liés à l’IVG à la charge des mères.
Quant à l’Espagne ?
Il y a eu un projet de loi souhaitant restreindre le droit à l’avortement aux cas de grave danger pour la vie, santé physique ou psychologique de la mère ou de viol. Malgré son approbation en Conseil des ministres, le gouvernement espagnol a finalement retiré le projet à la suite des nombreuses manifestations. Or, ce dernier a tout de même fait adopter une loi en 2015, interdisant aux mineures d’avorter sans le consentement de leurs parents.
N'est-ce pas assez d’illustrations de reculs législatifs sur l’IVG pour que le gouvernement accepte de nous protéger ?
Vous avez sous-entendu que le refus de cette proposition de loi implique d’autres choses que le refus de nos politicien·nes de nous protéger, pouvez-vous nous en dire davantage ?
En effet, lors de la quête dans laquelle je m’étais lancée afin de comprendre l’inexplicable j’ai ouvert mes petites oreilles et j’ai écouté un tout autre discours de la part de nos dirigeant·es.
Lequel ?
Le gouvernement a refusé la proposition suivante : « Nul ne peut entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse ».
Mais surgit alors deux autres propositions qui seront étudiées en novembre. D’une part nous avons la NUPES qui propose que : "Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits » et d’autre part, nous avons le parti présidentiel avec cette proposition : Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse ».
Quelles sont les différences entre ces trois propositions ?
La première, refusée, établissait l’IVG comme un droit fondamental. Les deux autres réduisent l’IVG à un simple droit, posant ainsi la question de sa nécessité dans la constitution si ce dernier n’est pas fondamental. Par ailleurs, la proposition de la NUPES semble, malgré tout tenter d’approfondir la protection du droit à l’IVG.
Par quels moyens ?
Elle met en exergue deux points primordiaux. Celui de l’accès libre et effectif à l’IVG, empêchant par exemple les obstacles financiers ou toute autre entrave au caractère inconditionnel de l’IVG. Ainsi que celui de l’ajout de la contraception. Elle paraît plus complète que la proposition refusée et celle du parti présidentiel en dépit de l’absence du caractère fondamentale au droit à l’IVG. Il ne me reste qu’à vous donner rendez-vous afin de savoir quel sera le nom de l’heureuse élue, si heureuse élue il y a.
Un mot pour la fin ?
Une question, à vous auditeurs et auditrices d’euradio : dans un monde où la proposition de loi aurait été acceptée, que cela signifierait il ?
Que notre gouvernement admet que nous, citoyens et citoyennes, devons nous méfier du pouvoir législatif ? D’une majorité ?
Chronique réalisée par Laurence Aubron.