Quoi de neuf à Bruxelles ?

Bruxelles : entre corruption et influence ? - Romain Barcella

Bruxelles : entre corruption et influence ? -  Romain Barcella

euradio vous présente Quoi de neuf à Bruxelles, la chronique présentée par les étudiants bordelais de l’association Perspective Europe.

Aujourd’hui, nous accueillons Romain Barcella. Alors, dites-moi : quoi de neuf à Bruxelles ?

Penchons-nous d’abord sur le scandale qui éclabousse en ce moment le Parlement européen, le fameux Qatargate, qui voit certain·es de ses membres impliqué·es dans une grosse affaire de corruption et d’ingérence par des États étrangers.

Qui sont les personnes inculpées jusqu’à maintenant ?

Depuis l’implosion du Qatargate à la mi-décembre 2022, quatre personnes ont été inculpées par le parquet belge : Eva Kaili, l’ex-vice-présidente socialiste grecque du Parlement européen, son compagnon, Francesco Giorgi, assistant parlementaire de l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri et enfin Niccolo Figa-Talamanca, dirigeant de l’ONG No Peace Without Justice. D’autres personnes sont également dans le viseur de la justice. C’est le cas de l’eurodéputé belge Marc Tarabella.

Et de quoi les accuse-t-on précisément ?

Ces personnes sont soupçonnées d’avoir reçu d’importantes sommes d’argent de la part du Qatar et ce pour influencer les décisions politiques en faveur de l’émirat. Une perquisition dans le domicile bruxellois du couple Kaili avait révélé des sacs remplis de billets de banque d’une valeur de 150 000 euros. Pier Antonio Panzeri est également accusé d’avoir perçu des fonds du Maroc, après que 600 000 euros ont été trouvés à son domicile à Bruxelles.

Y a-t-il eu de nouveaux rebondissements dans l’affaire ?

Oui, alors que la justice belge avait demandé la levée de l’immunité des eurodéputé·es inculpé·es, Pier Antonio Panzeri a décidé mardi dernier de collaborer avec les autorités. En échange d’informations sur le mode opératoire de la fraude présumée, il pourrait bénéficier d’une peine de prison ferme « limitée ».

Toujours dans le cadre du Parlement européen, on apprend que le géant pharmaceutique américain Pfizer pourrait être exclu de l’institution.

Tout à fait. La commission du Parlement européen dédiée à la pandémie de Covid-19, la COVI, a approuvé le 11 janvier dernier la proposition du groupe des Verts d’interdire au laboratoire l’accès au Parlement. Pfizer ne serait pas suffisamment coopératif au sujet de la transparence des contrats d’achats des vaccins par l’Union européenne pendant la pandémie.

Quel est le problème avec ces contrats ?

Ces contrats, qui sont accessibles sur le site de la Commission européenne, sont largement caviardés. On ignore entre autres le prix convenu entre la Commission et le fabricant, les modalités d’approvisionnement des États membres ou encore le calendrier de livraison. Trois pages concernant les éventuelles responsabilités en cas notamment d’effets secondaires liés au vaccin ou d’éventuelles défaillances ont été caviardées.

Mais au-delà du contenu des accords, c’est aussi la manière dont les négociations ont été menées qui reste floue.

Effectivement, le PDG de Pfizer, Albert Bourla, et la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, sont soupçonné·es d’avoir négocié directement par sms un contrat de 1,8 milliards de doses de vaccins, pour 35 milliards d’euros en mai 2021. Albert Bourla a décliné deux fois la demande d’audition des eurodéputé·es du COVI, ce qui n’a pas manqué d’irriter les membres de la commission.

Quand la décision finale sera-t-elle rendue ?

C’est désormais la Conférence des président·es des commissions du Parlement qui prend les choses en main la décision finale ne devrait pas être rendue avant au moins un mois.

Affaire à suivre donc. On termine par la France, où certain·es estiment que la réforme des retraites du gouvernement est dictée par Bruxelles. C’est notamment le cas des député·es de l’opposition Marine le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Qu’est-ce qui leur fait penser cela ?

Dans les faits, le Conseil de l’Union européenne avait recommandé à la France en 2019 de réformer le système de retraite pour, je cite, « uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite » en vue de renforcer leur soutenabilité. La France s’était ensuite engagée à le faire dans son plan de relance et de résilience, soumis à la Commission européenne en 2021, dans le but de débloquer les fonds européens.

La France est-elle obligée par Bruxelles à mener cette réforme ?

Justement, rien ne l’oblige formellement à le faire. Il faut savoir que les recommandations économiques de l’UE sont avant tout le fruit d’un consensus entre les États membres et la Commission et vise davantage à proposer des orientations communes qu’à contraindre. Dans le plan de réformes présenté à la Commission européenne, l’ambition de réformer les retraites y est certes mentionnée, mais de façon très vague. La réforme n’est donc pas une condition pour que la France bénéficie des fonds européens.

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.