Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé une bonne semaine ?
Absolument, merci, sans bouger de mon poste d’observation bruxellois, pendant que d’autres ont tenu à effectuer des déplacements.
De qui s’agit-il ?
D’abord de Sir Keir STARMER, à peine installé au 10, Downing Street, et déjà empêtré dans nombre d’affaires politiques ou privées (enfin, jusque-là), au point d’avoir limoger sa directrice de cabinet. Ce qui ne l’a pas empêché de faire un saut à BRUXELLES pour y rencontrer les présidentes de la Commission européenne et du Parlement européen, respectivement Mmes von der LEYEN et METSOLA, récemment renouvelées toutes deux pour un nouveau mandat ; M. STARMER a aussi vu le Président du Conseil européen, Charles MICHEL, qui est, lui, en fin de mandat.
Qu’en est-il sorti ?
Rien, ou presque, si ce n’est des formules lénifiantes, déjà entendues, sur la nécessité de repartir à zéro et de rebâtir les relations entre LONDRES et l’UE. Mais lorsque l’on aborde la substance : politique migratoire, accords douaniers, accès au Marché unique européen, circulation des personnes et des marchandises, droit individuel d’installation – les aiguilles des instruments de mesure de mon tableau de bord personnel ne tressaillent que très faiblement.
L’une des critiques de l’action du gouvernement travailliste a un goût quelque peu exotique ?
Parmi les controverses qui assaillent le gouvernement britannique, il y a en effet cette mini-décolonisation qui se voulait discrète (mais c’est raté), car elle déchaîne l’ire de l’opposition et d’une partie non-négligeable de la presse populaire.
Jusqu’ici territoire de la Couronne, la souveraineté de l’archipel des cinquante-cinq Îles Chagos, dans l’Océan indien, a été transférée à l’Île Maurice, à l’issue de décennies de bien pusillanimes négociations. Au vu du renforcement des relations entre PORT-LOUIS et le Kremlin, le moment n’était peut-être pas le mieux choisi. Enfin, la base militaire américano-britannique de DIEGO GARCIA est exclue de ce transfert, c’est toujours cela.
Et les autres voyageurs de la semaine, c’est qui ?
C’est Emmanuel MACRON, qui s’est à nouveau rendu à BERLIN. A en juger par les photos et les vidéos de cette rencontre, l’amitié réciproque du Président et du Chancelier était palpable et la bonne humeur était éclatante. Sauf qu’ici aussi, les interlocuteurs s’opposent sur à peu près tous les sujets d’importance, qu’il s’agisse du projet d’emprunt commun paneuropéen, ou des relations commerciales de l’UE avec les pays-membres du MERCOSUR, sorte de Marché commun latino-américain, ou des surtaxes imposées aux importations dans l’UE de véhicules électriques chinois. Pour mémoire, la France est pour, alors qu’au sein de la coalition au pouvoir à BERLIN, les Verts sont pour, les Libéraux et les Sociaux-démocrates du Chancelier SCHOLZ sont contre.
Mais ce sont en fait des jeux d’ombre pour amuser la galerie et se faire bien voir de PÉKIN (pas garanti) – car Olaf SCHOLZ sait pertinemment qu’il n’a pas la majorité au sein du Conseil de l’UE et que les surtaxes y seront bien adoptées.
D’autres grands voyageurs ?
Oui, et ce sont des membres de premier plan du parti de M. SCHOLZ qui se sont rendus en Turquie, à l’invitation du principal parti d’opposition, le Cumhuriyet Halk Partisi, et qui ont rencontré le Maire d’ISTAMBOUL et candidat malchanceux aux dernières présidentielles, Ekrem İMAMOĞLU, qui devrait retenter sa chance en 2028.
On peut cependant s’interroger sur l’opportunité électorale de ce déplacement, vu qu’en Allemagne résident un million cinq cent mille Turcs qui, à 67 %, votent pour M. ERDOĞAN – et qui sont nombreux à participer aussi aux élections allemandes.
Un ultime voyage, peut-être ?
Plus exactement, des voyages qui ne se font pas. Vous vous souviendrez qu’au mois d’août de l’année dernière, un colossal éboulement avait bloqué la ligne de chemin de fer entre la France et l’Italie par la Vallée de la Maurienne et le Val de SUSE. Or, voilà que la remise en service du tronçon français est à nouveau reportée au printemps 2025 ou au- delà. Le détour par les tunnels suisses coûte du temps et de l’argent, et l’on constate une augmentation préoccupante du nombre de poids-lourds qui, faute de transbordement ferroviaire, se voient contraints de revenir à la route.
Voilà qui devrait donner à méditer aux écologistes qui ont durablement retardé la construction du tunnel ferroviaire sous les Alpes, sur une ligne nouvelle tracée entre LYON et TURIN, qui, elle, ne sera pas inaugurée avant 2030.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.