La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

© Number 10 de Flickr La semainière de Quentin Dickinson
© Number 10 de Flickr

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, QD, qu’avez-vous retenu de l’actualité de ces derniers jours ?...

Cette actualité-là est évidemment dominée par la visite de travail à KYEV des chefs d’État ou de gouvernement de quatre pays européens : Emmanuel MACRON pour la France, avec l’Allemand Friedrich MERZ, le Polonais Donald TUSK, et le Britannique, Sir Keir STARMER.

Une conversation téléphonique protégée a permis aux quatre, réunis autour de Volodymir ZELENSKY, d’échanger avec les dirigeants d’autres pays européens et au-delà, dont Donald TRUMP. De toute évidence contrarié par l’absence de perspective d’un cessez-le-feu en Ukraine, le président américain a exhorté les parties belligérantes à en finir au plus vite, faute de quoi le (ou les) contrevenants se verrai(en)t lourdement sanctionné(s).

En ce début de semaine, il est impossible de deviner ce qui se passera jeudi, à ISTAMBOUL : un déplacement de M. ZELENSKY en Turquie ? Probable. Un déplacement de POUTINE en Turquie ? Improbable. Dans cette hypothèse, avantage ZELENSKY, qui pourra démontrer la mauvaise foi des Russes. Autre scénario : avec ou sans leur Président, des délégués ukrainiens se rendent en Turquie, y rencontrent des délégués russes, et rien n’en sort, les positions archi-connues des deux parties ne laissant pratiquement aucune chance à une issue constructive.

Dans ce cas, avantage POUTINE, qui aura encore grappillé un peu de temps supplémentaire.

En fait, l’enjeu, pour KIEV comme pour MOSCOU, de ces mouvements de pions géopolitiques, c’est de convaincre TRUMP que c’est l’autre partie au conflit qui bloque tout accord de paix - et manque donc de ce fait à l’absolue considération due à la personne du Président des États-Unis d’Amérique.

Parallèlement, ces jours derniers ont acté le retour des Européens dans la négociation, avec, cette fois-ci, l’accord de WASHINGTON.

Mais Donald TRUMP ne s’occupe pas uniquement de la guerre en Ukraine, QD…

Oui, enfin, pour le dire plus précisément, l’hôte actuel de la Maison-Blanche se préoccupe, plus qu’il s’occupe, des affrontements armés entre l’Inde et le Pakistan dans la province partagée du Cachemire.

Essentiellement, son action jusqu’ici aura été de proclamer qu’il avait obtenu haut-la-main un cessez-le-feu entre ISLAMABAD et la NOUVELLE-DEHLI – affirmation démentie par la reprise des combats quelques heures seulement après.

On ne peut donc que compatir à la douleur de M. TRUMP, dont la presse étatsunienne rapporte qu’il aurait fait savoir à son entourage qu’il « en perdait le sommeil »

(aussi peu vraisemblable que cela puisse paraître).

Mais tous ces événements tragiquement majeurs occultent souvent des faits injustement ignorés…

Vous avez raison, on le vérifie assez souvent. Prenons un exemple : on apprenait tout dernièrement l’arrestation, par les services de sécurité ukrainiens, de plusieurs individus issus de la minorité de langue hongroise en Ukraine, pris la main dans le sac en train de faire l’inventaire du dispositif anti-aérien dans cette région de l’est du pays. Ces hommes – ayant, pour l’un d’entre eux, servi dans l’armée ukrainienne – agissaient sur les ordres d’un officier des services de renseignement hongrois, qui s’intéressait aussi beaucoup à l’attitude des magyarophones en cas d’entrée dans cette région de forces militaires hongroises ou russes, passées par la Hongrie voisine, et posant en libérateurs.

Précision : cette région en Ukraine, la Transcarpatie, résume à elle seule l’histoire mouvementée de l’Europe centrale. Sous le nom de Ruthénie subcarpatique, elle est une composante de l’Empire austro-hongrois, peuplée majoritairement d’Ukrainiens, mais aussi de fortes minorités de Ruthènes, de Hongrois, de Houtsoules, parmi bien d’autres ; après l’effondrement de l’Empire, elle devient tchéco-slovaque, avant d’être envahie par les Hongrois, puis annexée par l’Union soviétique. A la dislocation de celle-ci en 1991, la voilà incorporée à l’Ukraine, l’Ukraine retrouvant son indépendance, perdue en…1654).

Ces jours-ci, l’enquête sur la (mini-) cinquième colonne hongroise en Transcarpatie se poursuit, mais la volonté de Vladimir POUTINE de déplacer les frontières sous des prétentions puisées dans une lecture viciée de l’Histoire a visiblement inspiré ses alliés de fait au sein du gouvernement hongrois de Viktor ORBÁN.

Et le reste n’est que politique.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.