Avec sa chronique Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire, Juliette Raynaud explore "les silences de l'Histoire" (Michelle Perrot) et nous invite à (re)découvrir notre matrimoine oublié, une histoire après l'autre...
Vous connaissez Maria Sybilla Merian ?
Peintre, exploratrice et naturaliste, Maria Sibylla Merian a bouleversé l’histoire des sciences avec ses travaux sur les insectes. Grande observatrice de la nature, elle fut une pionnière de l’écologie et ses livres illustrés permirent de révéler de nombreuses espèces.
Maria naît à Francfort en avril 1647. Fille d’un célèbre graveur allemand, elle grandit dans un univers artistique. Elle a deux passions : la peinture et les insectes.
Au XVIIe siècle, on considère encore, comme du temps d’Aristote, que les insectes sont issus d’une génération spontanée de la matière en putréfaction.
Petite, Maria collectionne les vers à soie et observe patiemment leur évolution en papillons.
En 1679, elle publie un premier livre consacré aux chenilles.
Illustratrice, elle dessine des insectes de manière naturaliste, s’éloignant des codes en vigueur. A l’époque, la peinture doit faire référence à la Bible, tous les éléments représentés ont une signification métaphorique : la mouche incarne le péché, le papillon l’âme ressuscitée… Pas pour Maria. Elle reproduit dans ses gravures les insectes tels qu’elle les observe quitte à se disputer avec son mari.
A 38 ans, après 20 ans de mariage, elle se déclare veuve alors que son mari est encore en vie et part pour Amsterdam. Dans cette ville en pleine effervescence intellectuelle, elle visite les « cabinets de curiosité », très à la mode à l’époque et s’intéresse à la provenance des espèces exposées.
Avec l’aide des notables d’Amsterdam qui la soutiennent dans son projet et lui octroient une bourse, elle prépare son voyage au Suriname, alors colonie hollandaise. Elle vend des tableaux et pose une souscription sur le livre qu’elle éditera à son retour pour payer son voyage avec sa fille cadette.
Au Suriname, elle se rapproche des Amérindiens qui lui font découvrir des plantes médicinales et des espèces d’insectes encore inconnues en Europe. Après 2 ans d’exploration, elle tombe gravement malade et doit écourter son séjour.
Elle revient avec dans ses bagages de nombreux croquis et réalise le livre qui la rend célèbre : Metamorphosis Insectorum Surinamensium. 72 illustrations commentées expliquent la relation écologique entre les plantes et les insectes et détaillent les stades de leur métamorphose.
La découverte du stade larvaire de l’insecte et de la plante hôte par Maria Sybilla Merian vient poser les bases de l’écologie : l’étude des rapports qu’entretiennent les êtres vivants avec leur milieu.
Publié en 1705, ce livre est un succès. Ses ouvrages précédents sont réédités. Ses gravures se vendent jusqu’en Russie où le tsar Pierre le Grand lui en achète jusqu’à sa mort, en 1717.
Plusieurs espèces vivantes sont baptisées en femmage à Maria Sibylla Marian.
Son travail est redécouvert au XXe siècle. Elle figure sur les billets de 500 Deutsche Mark dans les années 1950.