Voyage, transport, e-commerce, protection des données personnelles… Les 3/4 des droits des consommateurs qui s’appliquent en France comme dans les autres pays européens sont issus de directives et règlements européens. Dans cette chronique, Elphège Tignel, du Centre Européen des consommateurs France, vous explique sur euradio comment l’Europe protège les consommateurs dans leur vie quotidienne et quels sont vos droits si vous voyagez, déménagez, achetez, payez, étudiez, téléphonez… en Europe.
Aujourd’hui, vous vous intéressez au dernier rapport de la Commission européenne sur la protection des consommateurs dans le monde numérique.
Ça ne vous a pas échappé Laurence, notre monde est devenu ultra connecté. Et forcément, nos habitudes de consommation ont évolué. Pour protéger les consommateurs dans cette ère du tout numérique, l’Europe a fortement renforcé leurs droits ces dernières années. Mais face à des technologies nouvelles, de plus en plus performantes, exploitées parfois par des professionnels peu scrupuleux, les consommateurs sont souvent poussés à prendre des décisions contre leurs intérêts.
C’est pourquoi, la Commission européenne a lancé, en 2022, une évaluation, une sorte d’audit sur les règles européennes actuelles en matière de protection des consommateurs. L’objectif était de déterminer si elles étaient efficaces, adaptées au monde numérique d’aujourd’hui et de demain. Et donc s’il fallait les réformer ou non. Le rapport de ce « Fitness Check sur le droit européen de la consommation pour l'équité numérique » … oui oui c’est son nom … a été rendu début octobre.
Et quelles sont les conclusions de ce rapport ?
Elles sont très nombreuses ! Et je vais vous épargner les détails des 218 pages de ce rapport. Commençons par une bonne nouvelle. La réglementation européenne a permis de protéger les consommateurs tout en garantissant le développement du marché du numérique. Mais tout n’est pas parfait. Force est de constater que les problèmes liés à un achat en ligne ou à l’utilisation d’un service en ligne sont encore trop nombreux. Un chiffre l’illustre parfaitement et donne d’ailleurs le vertige, c’est 8 milliards d’euros.
D’après le rapport, c’est ce que perdent, chaque année, les consommateurs européens. À cause, parfois, de leur manque de vigilance sur Internet certes mais aussi des pratiques numériques trompeuses ou déloyales des entreprises. Et les jeunes sont les plus touchés par les publicités ciblées ou les comptes à rebours sur les sites de e-commerce qui poussent à valider rapidement son panier. Parmi les autres pratiques peu commerciales ciblées par le rapport, il y a également les fenêtres pop-up qui incitent à souscrire un abonnement pour recevoir sa commande en 24h ou encore les fausses promesses des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Et le problème, c’est que les directives européennes existantes ne sont pas toujours bien appliquées. Ou qu’elles manquent parfois de clarté. C’est ce qui pousse d’ailleurs certains pays de l'UE à créer leurs propres règles sur des sujets comme le marketing d’influence ou les abonnements numériques.
Résultat : on s’éloigne encore plus du souhait de la Commission européenne : une protection harmonisée des consommateurs.
Que prévoit donc ce rapport pour que les consommateurs en ligne bénéficient des mêmes droits que dans le monde physique ?
Plusieurs nouvelles mesures sont envisagées. Tout d’abord, le rapport met en avant la nécessité de mieux encadrer certaines pratiques comme les "dark patterns". Ce mot un peu barbare désigne les techniques manipulatrices sur un site qui incitent à acheter, s’abonner ou fournir des données personnelles. On en parlait à l’instant avec l’exemple du compte à rebours. La commission veut donc formuler des règles claires pour freiner ces pratiques et sanctionner les professionnels qui y ont recours.
Parmi les autres pratiques à réglementer, d’après le rapport, il y a les abonnements numériques difficiles à annuler et le marketing des influenceurs sur les réseaux sociaux. La Commission européenne veut aussi s’attaquer au dropshipping, qui joue un rôle croissant dans le commerce en ligne. Cette méthode de vente en ligne où le vendeur propose des produits qu'il ne stocke pas lui-même, mais qui sont expédiés directement au client par le fournisseur. Et disons-le, cette pratique suscite de plus en plus de litiges en Europe. Le rapport recommande que les consommateurs soient pleinement informés de l'identité du vendeur, des délais de livraison et de leurs droits en matière de retour et de réclamations.
Enfin, la Commission veut renforcer les mécanismes d'application des lois, en facilitant par exemple les actions collectives. Alors toutes ces bonnes nouvelles pour les consommateurs ne sortent pas d’un chapeau magique. La Commission européenne s’est appuyée sur de nombreux experts pour formuler ses conclusions dont le réseau des centres Européens des consommateurs. Reste à voir maintenant dans quel délai ces changements législatifs pourront être réalisés. Car on le sait, avec l’Union européenne, le moindre changement peut prendre du temps avant de s’appliquer. Mais au moins, et c’est bien de le rappeler de temps en temps, l’Europe agit pour ses consommateurs et ce n’est pas le cas partout dans le monde.
Une interview de Laurence Aubron.