L'éco de Marc Tempelman

Taxer les plus riches

Image par Megan Rexazin Conde - Pixabay Taxer les plus riches
Image par Megan Rexazin Conde - Pixabay

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Je souhaitais aborder avec vous le sujet délicat des impôts sur le revenu. Et cela évidemment dans le contexte du budget proposé par le gouvernement Barnier qui inclut une hausse de l'impôt sur les plus hauts revenus.

Cela concerne les 65 000 foyers qui gagnent plus de 500 000 euros par an n’est-ce pas ?

Exactement. Et sans surprises, cette mesure fait partie de celles qui sont les moins contestées. Mieux, c’est une mesure qui est soutenue par environ 75% à 80% de la population selon les sondages.

Inversement, quand les décideurs politiques proposent d’alléger le taux d’imposition des plus riches, comme Jacques Chirac en 1986 ou encore Nicolas Sarkozy plus récemment, l’opinion publique est typiquement contre.

Donc politiquement c’est une mesure “facile” à faire passer. Mais est-ce économiquement rentable ?

Je sens que vous avez des doutes sur le sujet. Quel rôle joue la courbe de Laffer dans cette discussion ?

La courbe de Laffer est une théorie économique qui montre qu’il existe un point de taxation optimal. Concrètement, elle suggère que si les taux d'impositions sont trop bas, les recettes fiscales restent faibles car les taux sont insuffisants pour générer des revenus. Mais paradoxalement, si les taux d'imposition deviennent trop élevés, les recettes diminuent aussi car les contribuables ont moins d'incitation à travailler, ou, dans le cas des plus riches, à déployer tous les efforts possibles pour diminuer la facture fiscale de plusieurs façons. Ce qui réduit in fine la recette fiscale.

Justement, parlons de ces efforts. Comment les riches peuvent-ils réduire ou éviter la taxation ?

Mettons de côté l’évasion fiscale, qui est une pratique illégale où les contribuables cachent délibérément une partie de leurs revenus pour ne pas payer d'impôts.

Les contribuables, et notamment les plus riches, disposent en théorie de 3 moyens :

- Travailler moins pour gagner moins. Dans la pratique, très peu de millionnaires adoptent cette approche.

- Partir pour s’installer dans des pays fiscalement plus attractifs. De nombreuses familles industrielles du nord de la France ce sont installées de l’autre côté de la frontière, en Belgique, et de nombreux footballers, artistes et acteurs vivent désormais aux bords du Lac Léman en Suisse ou à Monaco.

- Enfin, il est parfaitement légal de travailler avec des conseillers fiscaux pour faire de l’optimisation fiscale. Cela consiste à utiliser les failles et les subtilités du système fiscal pour réduire le montant de l'impôt à payer.

Est-il prouvé que la hausse de l’impôt fait fuir les riches ?

Je n’ai pas de statistiques, et il est vrai que pour une famille avec des enfants scolarisés par exemple, la décision de partir est lourde de conséquences. Mais quand on sait que des pays voisins comme le Portugal ou l’Italie ont mis en place des programmes d’allègement fiscaux pour attirer des expatriés fortunés, la tentation est réelle. Imposer les riches est donc un exercice délicat. Il s’agit de trouver un taux qui soit suffisamment élevé pour être juste et financer les dépenses publiques, mais pas au point de pousser les contribuables les plus riches à contourner le système.

Imaginons que nous trouvions cet équilibre, est-ce alors une mesure efficace ?

Oui et non. Oui, car je crains que la France ait aujourd’hui besoin d’appuyer sur tous les leviers possibles pour réduire son déficit. Mais non, car c’est une mesure qui ne rapporte, finalement, pas grand chose puisqu’il n’y a pas tant de foyers super riches que cela en France. Comme vous l’avez observé au début de cet entretien, la mesure proposée ne concerne que 65 000 foyers, qui sont déjà très lourdement taxés quand on les compare à leurs pairs richissimes dans les autres pays européens.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.