Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui vous aide à épargner plus et mieux, via son application d’épargne simple et sécurisée. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Je vous propose aujourd’hui d’échanger sur la société Rio Tinto, un des plus grands groupes miniers au monde, qui vient de faire une énorme boulette. Et cette controverse récente illustre parfaitement l’importance croissante de l’impact social des entreprises, et le fait que de nos jours, la seule réussite financière ne suffit plus.
Très bien, que s’est-il passé ?
Tout d’abord quelques mots sur Rio Tinto. La société pèse aujourd’hui plus de 80 milliards de dollars en bourse et affiche une performance financière impressionnante.
Rien que depuis la nomination de son PDG Jean-Sébastien Jacques en 2016, l’entreprise a délivré un rendement total d’environ 200% à ses actionnaires.
Pourtant on lui a demandé de partir. Car Rio Tinto a récemment (et délibérément) démoli deux grottes sacrées du peuple Aborigène Australien datant de 45,000 ans, afin d’accéder à un dépôt de minerai de fer d’une valeur estimée de 97 millions de dollars.
Et cette destruction de sites sacrés était illégale ?
Alors si, la société avait obtenu toutes les autorisations administratives nécessaires. Mais le monde a évolué, et il ne suffit plus d’avoir le droit, il s’agit aujourd’hui d’être également socialement juste. Faire exploser les grottes a créé une fureur nationale.
Quelle a été la réaction de Rio Tinto ?
Plutôt mauvaise. Au-delà de l’acte lui-même, le marché a reproché aux dirigeants impliqués d’avoir mal réagi à la polémique. D’abord en attendant plusieurs semaines avant de se prononcer en public. Ensuite, en minimisant la gravité des faits, en indiquant à la commission parlementaire australienne ne pas avoir été conscient de la valeur culturelle du site détruit. Comble de l’hypocrisie, le PDG a parlé de “malentendu”.
L’annonce par Rio Tinto d’une réduction de 4 millions de dollars Australiens des bonus du directoire a fini de faire déborder le vase. Comme s'il était possible mettre une étiquette tarifaire sur des sites historiques d’une valeur culturelle inestimable.
Sous la pression du public, d’anciens premier ministres et surtout de grands investisseurs, la position de Rio Tinto est devenue intenable. Et malgré sa résistance initiale, le PDG a fini par présenter sa démission.
Ce n’est pas comme si les entreprises ne savaient pas que la protection de l’environnement était de plus en plus importante aux yeux de la société. On ne peut pas s’étonner du manque de jugement de Rio Tinto dans le cas présent ?
Oui, ce départ forcé est d’autant plus remarquable que Rio Tinto fait partie des sociétés minières ayant intégré le respect de l’environnement dans ses principes opérationnels. Elle a bien conscience que pour réussir dans une industrie qui par nature altère l’environnement, une approche responsable est un impératif absolu. Ainsi, elle a décidé relativement tôt de se séparer de la totalité de ses activités charbonnières et présente aujourd’hui un bilan sans faute en matière de protection de ses employés.
La démission de Jean-Sébastien Jacques reflète l’évolution de notre société et des priorités des investisseurs plus spécifiquement. Ces derniers ne se soucient plus seulement du E de environnement ou du R de résultat, mais aussi de plus en plus du S de social et du G de gouvernance.
Le traitement équitable de ses fournisseurs, le respect des droits des employés ainsi que des valeurs des communautés où l’on opère sont autant de facteurs que les dirigeants d’entreprise doivent aujourd’hui prendre en compte, au même titre que les revenus, la croissance et la rentabilité.