Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. La semaine dernière nous avons célébré la journée internationale de l’épargne. C’est donc une bonne occasion pour échanger au sujet du drôle de rapport qu’entretiennent les Français avec l’argent. Nous savons tous que l’argent c’est un sujet vital, mais qui reste un peu tabou. Pourquoi l’épargne est-elle partie intégrante de notre culture… mais l’investissement, un Everest ?
Justement, commençons par un chiffre qui parle de lui-même : la France est championne d’Europe de l’épargne, avec plus de 5 200 milliards d’euros mis de côté, tous supports confondus. Notre taux d’épargne est aujourd’hui proche de 19%. C’est impressionnant !
Absolument ! Les Français remplissent scrupuleusement leurs Livrets A, leurs assurances-vie en fonds euros et même les bas de laine. Le Livret A compte aujourd’hui plus de 56 millions de titulaires, 82 % des Français, c’est quasiment une religion ! Comme vous l’avez observé, en moyenne, nous épargnons plus de 15 % de nos revenus chaque mois, soit presque deux fois plus que les Américains. Et dans le contexte anxiogène actuel ce taux a même atteint les 19%.
Et pourtant, l’argent reste un sujet pudique… Les Français seraient-ils paradoxaux ?
Paradoxaux, sans doute dans une certaine mesure. Il y a une sorte de gêne culturelle à parler d’argent : 67 % des Français disent ne jamais discuter de leur salaire, même avec leur famille. Mais la vraie singularité vient ailleurs : on a le réflexe d’épargner, mais beaucoup moins celui d’investir. Autrement dit, on met de côté, mais on ne met pas cet argent au travail.
Ah, la bourse… Elle fait peur ?
Beaucoup ! Seul 1 Français sur 10 possède des actions en direct, contre 55 % des Américains ou 35 % des Suédois. Même les fonds d’investissement restent méconnus pour une majorité de ménages. À titre de comparaison, en France, plus de la moitié de l’épargne part sur des produits très sécurisés — Livret A, livret bancaires, l’assurance-vie en fonds euros — dont le rendement réel est parfois en dessous de l’inflation. Autre obsession culturelle française, on adore l’immobilier, une classe d’actif perçu comme sûre. Résultat : on protège son argent, mais on le fait peu fructifier.
Est-ce une question de formation ? Ou de confiance dans les marchés ?
Les deux. Le dernier test international d’Annamaria Lusardi montre que seulement 31 % des Français répondent correctement aux trois grandes questions sur l’intérêt composé, l’inflation et le risque. C’est loin derrière l’Allemagne, les Pays-Bas ou les pays Scandinaves où les finances personnelles sont enseignées à l’école. Et côté confiance, 51 % des Français affirment que « la bourse, c’est le casino ». Ils préfèrent les murs… ou les comptes sur lesquels ils voient leur argent, même si ça rapporte peu.
Pourtant, la culture financière progresse, non ?
Lentement. Les nouvelles générations s’informent sur YouTube ou Instagram - pas toujours auprès d’influenceurs particulièrement compétents d’ailleurs -, cherchent des alternatives : crypto, ETF, SCPI, etc. Mais la plupart des investisseurs « retail » français commencent… après 40 ans ! Aux États-Unis, c’est souvent dès 20 ou 25 ans. Et il subsiste une préférence pour « la sécurité avant tout » — quitte à perdre en pouvoir d’achat à long terme.
Pour finir, une statistique amusante : savez-vous que la France reste le pays où l’on préfère parler de ses vacances… que de la performance de son portefeuille ?
Je confirme. Typiquement, quand je commence à parler de mon métier, c’est le moment où tout le monde change de sujet ! Mais je suis optimiste : l’éducation financière progresse, et on voit émerger une vraie envie de mieux investir, même chez les plus prudents.
Cette soif de mieux comprendre afin de pouvoir mieux faire avec son argent concerne surtout les jeunes générations. Ce qui est une aubaine, car c’est un commençant à investir tôt, même des sommes modestes, que l’effet des intérêts composés peut se montrer le plus efficace.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.