L'éco de Marc Tempelman

Quand les pros se plantent

Quand les pros se plantent

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons nous parler aujourd'hui ?

Deux affaires ont défrayé la chronique dans le monde financier le mois dernier. La première, c’est l’effondrement de la plateforme de trading de crypto-devises FTX. La seconde, est le jugement d’Elizabeth Holmes, qui a été condamnée à 11 ans de prison pour fraude, après que sa société Theranos, censée transformer les tests sanguins, s’est avérée être une grande fumisterie.

Qu’est que ces deux affaires ont en commun ?

Dans les deux cas, il s’agit d’une faillite abrupte de deux sociétés qui allaient révolutionner le monde et qui étaient valorisées plusieurs milliards de dollars juste avant que l’on découvre qu’il s’agissait en réalité de poudre de perlinpinpin.

Et dans les deux cas, les jeunes soi-disant visionnaires à la tête des deux entreprises avaient réussi à convaincre des investisseurs professionnels de les suivre, en investissant des dizaines de millions dans leurs châteaux de cartes.

Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont ces investisseurs professionnels qui ont aujourd’hui perdu les millions qu’ils ont investis ?

Oui bien sûr. Si on prend le cas de la plateforme de crypto FTX, il s’avère que son fondateur Sam Bankman Fried a réussi à convaincre les fonds de capital risque Sequoia et Tiger Global d’investir 214 et 38 millions de Dollars respectivement chez lui. Tout comme le fonds de pension des Professeurs d’école de l'État d’Ontario, qui avait investi 95 millions de Dollars dans FTX.

Pardonnez-moi si la question est brutale, mais ne s'agit-il pas de leurs problèmes ? En quoi cela pourrait-il concerner nos auditeurs ?

Sur papier oui. Sauf que ces gigantesques fonds gèrent, directement ou indirectement, l’épargne d’individus comme vous et moi. L’exemple du Ontario Teachers Pension Fund est le plus parlant. Ce fonds de pension gère l’argent qui sert à payer les retraites des professeurs d’école de l’État canadien du même nom.

On peut alors se demander si ces investisseurs professionnels ont pris toutes les précautions nécessaires avant d’investir d’aussi grosses sommes. N’ont-ils pas un devoir d’analyse ?

Vous avez raison. La procédure qui consiste à faire des vérifications au sein des entreprises avant d’y placer des fonds s’appelle la due diligence. Pour une société minière, l’investisseur potentiel pourrait par exemple charger des banquiers ou des consultants d’aller vérifier l’existence de la mine d’or. Plus généralement, il pourrait faire vérifier la comptabilité de la société par des experts-comptables. Ou encore de valider l’existence et la validité de tous les gros contrats par des avocats. Ce que les investisseurs - pourtant très réputés - n’ont clairement pas fait, ou en tous les cas, pas assez.

Pourquoi ont-ils été aussi laxistes dans leurs efforts de vérification ?

On peut penser à plusieurs raisons. Premièrement, pour les start-ups les plus en vogue, la compétition entre investisseurs pour pouvoir entrer au capital est rude. Dans de telles conditions, il est probable que certains investisseurs aient pu relâcher leurs standards, afin d’amadouer les fondateurs en leur promettant non seulement de vouloir investir, mais de pouvoir le faire sans trop les embêter.

Deuxièmement, il est probable que certains investisseurs se sont reposés sur la présence d’autres investisseurs de renom pour se dispenser de vérifications effectuées en nom propre. Si des très grands acteurs, comme SoftBank ou Sequoia, sont dans le deal, alors je peux y aller les yeux fermés.

Le mot de la fin ?

Les effondrements de FTX et de BlockFi récemment, mais de Theranos et d’Enron dans le passé montrent que quelque soit la taille des entreprises, ou l’envergure de leurs promesses et de leurs visions, cela paie de faire vos propres vérifications. Et que si une proposition d’investissement vous paraît trop belle pour être vraie, alors ces vérifications sont doublement nécessaires.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.