Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Les marchés financiers semblent anticiper la fin du cycle de hausse des taux directeurs, notamment aux US. Cette thèse suppose que les banques centrales aient vaincu l’inflation. Malheureusement, je n’en suis pas si sûr. Je vous propose donc de parler d’inflation et des raisons pour lesquelles elle pourrait persister encore longtemps.
Pourquoi pensez-vous que l’inflation pourrait rester élevée pendant plus longtemps ?
La consommation est le premier facteur. Comme prévu après des confinements longs et stricts, les consommateurs se lâchent. Privés de coiffeurs, de sorties et de vacances à l’étranger, la population rattrape son retard. Mais ce rebond de la consommation, qui était censé être d’une courte durée, perdure. Il faut dire que la population a fortement sur-épargné et que de nombreux gouvernements ont déroulé des plans de soutien très généreux pour relancer l’économie.
Cela crée une demande pour des biens et des services qui mettent une pression sur les prix — et stimule donc l’inflation !
Quelles seraient alors les autres facteurs qui stimulent l’inflation ?
Je pense qu’il faut mentionner le coût de l’énergie. Oui, après une très forte hausse des prix du gaz notamment, les choses se sont normalisées et les prix sont retombés. Mais les effets de la violente hausse des prix se feront sentir pendant longtemps. Car les contrats d’approvisionnement en énergie se concluent typiquement pour plusieurs années. Toutes les entreprises qui ont négocié leurs contrats pluri-annuels dans les récents trimestres vont devoir payer le prix fort pendant encore longtemps. Et donc répercuter ces tarifs élevés sur leurs produits. L’impact du prix de l’énergie sur l’inflation apparaît très vite, mais disparaît lentement.
J’imagine que nous devons également parler des salaires ?
Oui, c’est le 3ème facteur qui soutient l’inflation. En France, le taux de chômage a bien baissé et c’est une bonne nouvelle. Mais dans plusieurs secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, ou la santé il devient difficile de recruter. Cela oblige les employeurs à proposer des salaires de plus en plus attractifs, et conduit logiquement les syndicats à demander des hausses de salaire conséquentes. Les nombreuses revendications laissent penser que la pression sur les salaires stimulera l’inflation dans les trimestres à venir.
Il y a-t-il d’autres facteurs qui pourraient soutenir l’inflation ?
Oui, deux. Premièrement la dé-globalisation. La crise sanitaire a démontré combien il était dangereux de produire uniquement en Chine pour vendre en Europe ou aux États-Unis. Par ailleurs, les grandes entreprises se méfient du risque géopolitique, et préfèrent produire sur le sol national. Cela contribue à la réindustrialisation de l’Europe et des États-Unis. Mais cela entraîne aussi une augmentation des coûts de production, car elle repose dorénavant sur une main d'oeuvre plus chère.
Deuxièmement, la transition énergétique. L’objectif affiché d’accélérer la transition énergétique existe dans la plupart des grandes économies du monde, sous la pression d’une partie grandissante de la population. Mais les efforts dans ce sens ont un coût. Les produits bio sont plus chers à produire. Un véhicule électrique coûte plus que de fabriquer une voiture à essence.
C’est donc inéluctable que l’inflation persistera ?
Non, je n’ai pas de boule de cristal. Je constate simplement qu’il existe plusieurs facteurs qui la soutiennent. Que les banques centrales ont sans doute perçu aussi. Il est donc probable qu’elles continueront de maintenir les taux directeurs à des niveaux élevés le temps qu’il faudra pour véritablement maîtriser la hausse des prix.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.