Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Je souhaitais échanger avec vous au sujet du greenwashing, cette pratique de certaines entreprises qui consiste à se décrire comme étant éco-responsables, sans vraiment changer ses habitudes.
Qu’est-ce qui a déclenché votre envie de nous parler de ce sujet ?
La publication d’un rapport par la très sérieuse Autorité Bancaire Européenne, dans lequel elle dénonce de nombreux abus dans ce domaine par les banques européennes sous sa supervision.
Avez-vous quelques exemples de greenwashing évident ?
Oui. Le rapport souligne notamment les incroyables efforts que déploient certaines banques pour mettre en avant leur investissement dans la transition énergétique vers des sources d’énergies renouvelables, tout en poussant sous le tapis les financements qu’elles ont octroyés à des projets liés à l’exploitation d’énergies fossiles, la déforestation et même des abus des droits humains.
Ainsi, l’une des banques n’a pas hésité à décrire son investissement dans un nouvel aéroport comme écologiquement durable. Une autre a décrit son financement d’un oléoduc traversant les terres d’une population indigène comme étant positivement durable.
On ne peut rien faire pour éliminer ces abus de langage évidents ?
C’est une question complexe. Il serait intéressant d’observer l’issue du procès intenté par des écologistes à l’encontre de BNP Paribas. La grande banque est accusée de prêter énormément d’argent pour financer des projets d’extraction de pétrole et de gaz, tout en promouvant son engagement et son soutien en faveur de la transition énergétique.
Mais les régulateurs ne peuvent pas intervenir, et punir les banques qui font du greenwashing à outrance ?
Le problème est que la réglementation a du retard dans le domaine. Cela fait des années que l’Union européenne essaie d’obtenir une plus grande transparence et homogénéité dans le domaine de l'investissement vert, qui, depuis, a explosé. L’objectif étant bien de contenir les déclarations exagérées, voire tout simplement fausses que peuvent faire les entreprises.
Jeudi dernier, les députés ont voté une loi qui lie la rémunération des dirigeant·es d’entreprises à leurs efforts pour monitorer les abus des droits humains et des règles environnementales dans leurs chaînes d’approvisionnement. Mais il n’est pas clair comment cette loi s’appliquera aux institutions financières.
Cette loi a par ailleurs été diluée par rapport à sa version initiale n’est-ce pas ?
Oui. De nombreux·ses politiques et représentant·es de l’industrie ont argumenté que dans sa version initiale, cette loi imposait des responsabilités trop lourdes sur les entreprises. Et qu’il serait compliqué pour elles de contrôler la totalité de leurs chaînes d’approvisionnement dans un tel détail. Donc le texte a été dilué et les règles seront moins exigeantes. Ces règles de vérification doivent d’ailleurs encore être négociées avec les gouvernements des pays membres, et pourraient donc être encore contestées, avant que la loi soit formellement adoptée.
Le mot de la fin ?
La procédure législative en Europe est lente. Malheureusement, dans le domaine du greenwashing, tant que le flou règne, on peut s’attendre à ce que les déclarations des dirigeants de certaines grosses sociétés continuent d’être en décalage avec leurs pratiques.
Forçant donc les investisseur·ses qui souhaitent diriger leur épargne vers des sociétés éco-responsables et en faveur de la transition énergétique de faire leurs analyses, afin de distinguer les véritables initiatives responsables, des projets qui se déclarent comme tel, sans l’être.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.