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Cette semaine, avec Marc Tempelman, nous parlons du viager, qui est une pratique bien française mais plutôt rare pour vendre des biens immobiliers n’est-ce pas ?
Oui, c’est une technique qui existe depuis des siècles mais qui est statistiquement rare, car la plupart des acheteurs d’appartements le font avec l’intention d’aménager tout de suite. Le viager ne représente que quelques milliers de ventes par an, soit environ un demi pourcent de la totalité des transactions. Mais il semble avoir gagné en popularité plus récemment, possiblement aidé par l’effet COVID.
Il est peut-être utile de revenir brièvement sur le fonctionnement du viager.
Dans une vente en viager, le vendeur, typiquement une personne à la retraite, vend son bien immobilier à une somme largement en-dessous de la valeur de son bien. Mais à deux conditions. Premièrement, le senior à le droit de continuer à vivre dans son appartement ou dans sa maison jusqu’à sa mort. Deuxièmement, l’acheteur doit le verser une rente mensuelle durant cette période.
Quels sont les avantages pour les deux parties ? Pourquoi s’engager dans une vente en viager ?
Commençons par le vendeur. Grâce au viager, le retraité peut monétiser de son vivant son bien immobilier. Au-delà de pouvoir profiter de la somme initiale – qu’on appelle le bouquet -, il s’assure aussi d’une rente qui viendra compléter ses revenus pour le restant de ses jours.
Et vous dîtes que la crise sanitaire a stimulé cette pratique ?
Oui, le nombre de transactions viagères augmente. Notamment sous l’effet d’une offre plus large. D’abord à cause d’une tendance de fond. La population vieillit. 5 millions de Français auront plus de 85 ans en 2050, plus de trois fois le nombre actuel. Or près des trois-quarts des seniors sont propriétaires de leur résidence principale. Comme le niveau des retraites est sous pression, il est normal de voir les seniors se tourner vers le viager pour agrémenter financièrement leurs quotidiens.
La crise sanitaire a mis de l’huile sur le feu. De nombreux retraités ont préféré continuer à vivre chez eux, plutôt que de déménager dans un EPHAD.
Inversement, pourrait-on suspecter que la demande pour le viager ait pu augmenter ? C’est cynique, mais les acquéreurs ont peut-être perçu une opportunité pour miser sur une hausse probable de la mortalité, à leur avantage ?
Oui, sans doute. Et c’est là où on touche à la caractéristique très particulière de ce type d’opération, qui oblige l’acheteur à pronostiquer la durée de vie restante du vendeur.
Théoriquement, c’est relativement simple. Il suffit de se référer aux statistiques d’espérance de vie que l’INSEE publie régulièrement pour connaître celle du vendeur, selon son âge et son sexe. Prenons un exemple. En viager, le vendeur a en moyenne 79 ans. À cet âge, selon l’INSEE, un homme n’aurait plus que 11,63 ans à vivre.
L’acheteur peut donc se faire une idée du temps qu’il faudra qu’il attende pour habiter dans son bien immobilier et calculer le coût total probable de son achat, en ajoutant à la somme initiale versée, les rentes mensuelles attendues.
Sauf que les tableaux de l’INSEE ne sont que des chiffres théoriques. Une personne peut vivre bien au-delà de l’espérance de vie que les statistiques lui donnent.
Exactement. Et les cas sont nombreux. Le plus connu est sans doute l’achat en viager que conclut Maître Raffray, notaire de son état en 1965, avec une vieille dame de 90 ans. Cette dernière touchera 2500 francs par mois pendant 30 ans. Le notaire décède sans jamais habiter l’appartement, puisqu’il meurt deux ans avant la rentière. Pas de chance, la vendeuse était Jeanne Calment, la doyenne de l’humanité, qui décède en 1997, à 122 ans.
Les ventes sont aussi parfois influencées par des vendeurs aussi malins que âgés, qui n’hésitent pas à allumer des cigarettes et laisser traîner quelques bouteilles d’alcool avant de faire visiter leurs maisons, pour donner l’impression de vivre de façon malsaine, aux acheteurs potentiels.
Donc un achat en viager, au départ potentiellement très attractif, peut devenir une affaire coûteuse.
Oui, à tel point que certains acheteurs impatients sont aujourd’hui accusés d’avoir liquidé leurs rentiers dans le seul but d’accélérer la transmission du bien immobilier.
Il nous semble qu’il y a d’autres moyens d’investir intelligemment dans l’immobilier, sans basculer dans le crime.
Pour conclure, vous auriez une alternative à nous proposer ?
Oui, pourquoi pas s’intéresser à des SCPI ou des OPCI, qui sont des fonds spécialisés, investis dans un portefeuille immobilier. Un placement dans la pierre diversifié et accessible pour des montants d’épargne relativement modestes. Et avec la possibilité de retirer ses billes tous les mois, en cas de besoin.
Laurence Aubron - Marc Tempelman
Chaque semaine, nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons avec lui de finance.
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