Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. Les étudiants qui militent contre l’intervention d’Israël en Palestine souhaitent forcer les fonds d'investissement de leurs universités à vendre tous les actifs ayant un lien avec Israël. Je vous propose d’analyser avec vous la logique financière derrière cette suggestion radicale.
On s’attaque à un sujet clivant sur le plan politique. Mais si je comprends bien, votre analyse porte uniquement sur l’efficacité financière de cette proposition.
Oui, il s’agit ici d’une nouvelle proposition d’activisme financier, qui ressemble aux efforts des environnementalistes pour faire exclure des portefeuilles des gérants tout placement lié à l’industrie pétrolière.
Dans les deux cas, le but de la manœuvre est de convaincre le plus grand nombre d’investisseurs et de banques de ne plus fournir du financement aux entreprises ciblées. Dans le cas d’espèce, l’objectif initial est de rendre la vie de plus en plus difficile pour le plus grand nombre d’entreprises israéliennes. Avec pour objectif ultime de mettre tellement de pression sur Binyamin Netanyahu qu’il ajuste sa stratégie militaire dans la bande de Gaza.
Est-ce que ce type d’initiative peut marcher ?
C’est très compliqué et donc très peu probable. Prenons le cas du lobby anti-énergies fossiles. Quelques gérants de fonds ont décidé de vendre leurs participations dans Exxon, TotalEnergies, ou encore Shell. Mais ils ont systématiquement pu trouver preneurs auprès d’autres investisseurs, moins sensibles aux arguments des protecteurs de l’environnement et attirés par la performance financière de ces entreprises.
Pire, des fonds de pensions de certains États américains ont menacé de retirer leurs avoirs et de couper les relations commerciales avec les banques et les gérants de fonds qui excluaient l’industrie pétrolière, en les accusant de wokisme.
Vous dîtes que pour réussir ce type d’activisme financier, il faut que tout le monde soit d’accord sur la cause soutenue.
Exactement. Or dans le cas de l’activisme pro-Palestinien il faut bien comprendre que les fond d’investissements des universités américaines, bien que très grosses, sont des lilliputiens comparés aux grands fonds institutionnels. Le fonds d’investissement de Columbia University dispose de 14 milliards de Dollars. Mais le géant Blackrock gère presque 5 trilliards de Dollars, soit 360 fois plus. Il faut se rendre à l’évidence, la vente d’actifs initiée par les fonds universitaires ne ferait pas bouger les marchés.
Surtout que la définition de la cible est floue. Car comment peut-on définir “toute société ayant des liens avec Israël” ?
Vous avez raison. Il n’existe que peu de sociétés israéliennes cotées, et les manifestants proposent donc d’exclure toute entreprise faisant des affaires en Israël. Ainsi, les manifestants à l’Université du Michigan demandent le désinvestissement de sociétés comme Google, Toyota et McDonald’s, car elles opèrent en Israël.
À ce rythme, il ne reste plus beaucoup d’actifs dans l’univers d’investissement restant ! Et où s’arrêter ? Est-il acceptable de détenir des Treasuries, alors que les USA fournissent de l’aide à Israël ?
Le désinvestissement suggéré par les activistes revient à se couper de pans entiers des marchés financiers et donc d’exposer le portefeuille d’investissement des universités à des risques de concentration et de sous-performance considérables. Le tout, pour un objectif illusoire.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.