Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. Une autre semaine, une autre banque. Après la faillite de Silicon Valley Bank en Californie la semaine dernière, je vous propose que nous nous penchons sur Crédit Suisse en Europe qui vient d’être acquise en urgence par son rival de toujours, son voisin, UBS.
Si la banque suisse connaissait de graves difficultés, ce n’est pas pour les mêmes raisons que la Silicon Valley Bank, n’est-ce pas ?
Tout à fait. Dans le cas de la Silicon Valley Bank, la banque américaine s’est faite brutalement surprendre par la combinaison de la forte hausse des taux - qui à considérablement réduit la valeur de ses placements obligataires - et une envolée simultanée des retraits par sa clientèle de start-ups. Une sorte de ruée au guichets moderne si vous voulez.
Dans le cas de Crédit Suisse, il s’agit d’une lente descente aux enfers, et un cumul de gaffes commerciales, de scandales personnels et de changements de stratégie qui ressemblent à un scénario de film et qui ont détruit la réputation de la banque.
Commençons peut-être par les erreurs commerciales ?
Crédit Suisse souffre clairement d’un manque de rigueur dans la gestion des risques, car la banque semble a été impliquée dans toutes les grandes fraudes des dernières années. Cela commence par le financement de bateaux de pêche au Mozambique - où les 2 milliards de Dollars levés auprès d’investisseurs ont disparu et les bateaux jamais livrés. Crédit Suisse recommande également à des milliers de ses clients les plus fortunés de financer Greensill Capital, une société de financement spécialisé, qui fera défaut. Elle est aussi celle qui accuse les plus grosses pertes quand le hedge fund Archegos explose. Rien que sur cette affaire elle perd 5,5 milliards de Dollars. Enfin, elle devient la 1ère banque suisse à être condamnée pénalement pour avoir blanchi des fonds pour un cartel de la drogue Bulgare.
Cela a dû avoir un impact sur la profitabilité du Crédit Suisse j’imagine ?
Absolument. L’année dernière la banque annonce une perte record de presque 8 milliards de Dollars. Ce qui efface les bénéfices des dix années précédentes. Au même moment, son voisin, la banque UBS annonce des profits de 7,3 milliards de Dollars.
Vous avez également mentionné des scandales personnels ?
Oui, comme si les erreurs professionnelles ne suffisaient pas, la direction de la banque a été plusieurs fois remplacée suite à des comportements extra-ordinaires. En 2020, l’ancien PDG de la banque, Tidjane Thiam fait suivre son lieutenant en charge de la banque privée par des détectives privés. Car celui-ci est également son voisin, et il a pour projet de faire des travaux à domicile qui pourraient nuire à la vue du lac de son PDG. Le dirigeant en question finit par quitter la banque pour rejoindre son rival UBS, mais lorsque le scandale éclate, le PDG Thiam quitte également son poste.
En 2021, la banque recrute Antonio Horta-Osorio, le très respecté ancien PDG de la Lloyds Bank, pour venir nettoyer la boutique et instaurer une culture plus rigoureuse. Celui-ci doit démissionner quelques mois plus tard, car il abuse de l’utilisation du jet privé de la banque et parce qu’il ignore les restrictions sanitaires en vigueur afin de pouvoir assister à la finale de la Coupe d’Europe et la finale homme de Wimbledon la même journée.
Elle a donc été acquise par UBS ?
Oui. Sur papier, Crédit Suisse est relativement saine, elle dispose de capital et de liquidités. Mais dans le contexte actuel, où la méfiance vis-à-vis des banques est forte, le cours de son action n’a cessé de dégringoler car la confiance des investisseurs et de ses clients était en chute libre. Les retraits atteignaient 10 milliards de francs suisses par jour. La banque centrale suisse est intervenue une première fois pour fournir des dizaines de milliards de liquidités. Mais quand cette mesure n’a pas stoppé les sorties, elle a orchestré une reprise de la banque par UBS. Qui a négocié des termes très avantageux pour elle. Elle reprend la banque à prix cassé pour 3 milliards de francs suisses. Crédit Suisse en valait pourtant 12 milliards au début de l’année.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.