L'éco de Marc Tempelman

Fitch abaisse la note de la France

Photo de SEBASTIEN PROUVOST sur Pexels Fitch abaisse la note de la France
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Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Fitch vient de dégrader la note de la France de AA- à A+ et je pensais que cette décision était suffisamment importante pour en faire le sujet de notre échange.

Effectivement. Pouvez-vous d’abord expliquer aux auditeurs ce qui s’est passé en détail ?

Bien sûr. Fitch Ratings, l’une des trois grandes agences de notation, a déclassé vendredi la note souveraine de la France à A+, soit le niveau le plus bas jamais attribué par une agence majeure au pays. C’est la première fois depuis une douzaine d’années que la France perd son « double A ». Pour parler en langage scolaire, Fitch ne nous accorde plus un 18 sur 20 mais plutôt un 15 sur 20. Cette sanction intervient dans un contexte de crise politique aiguë après la chute du gouvernement Bayrou, la nomination express de Sébastien Lecornu à Matignon et des difficultés à bâtir une majorité stable pour voter le prochain budget.

Quelles sont précisément les raisons qui ont mené Fitch à cette décision aussi lourde de conséquences ?

Les agences de notation jugent de la capacité à un emprunteur à rembourser ses dettes. Dans le cas de la France, Fitch avance plusieurs griefs très clairs. Le déficit public français reste très élevé : il a atteint 5,8 % du PIB en 2024, et Fitch estime qu’il ne redescendra pas sous 3 % avant 2029. La dette, elle, continue de grimper et pourrait atteindre 121 % du PIB en 2027.

À cela s’ajoute une instabilité politique persistante : la succession de cinq Premiers ministres en trois ans, la fragmentation politique et la difficulté à réformer plongent la France dans l’incertitude. Fitch craint aussi l’absence de trajectoire crédible de consolidation budgétaire, alors même que la croissance économique ralentit et que les marchés surveillent de près le différentiel de taux d’intérêt avec l’Allemagne ou l’Italie.

Où cette nouvelle note situe-t-elle la France par rapport à ses voisins européens et à d’autres grandes économies mondiales ?

Avec ce repositionnement à A+, la France se trouve désormais un cran sous le Royaume-Uni, noté AA-, et nettement en dessous de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Finlande qui conservent tous le fameux triple A, équivalent à un 20 sur 20.

La France rejoint des pays comme la Belgique, la Chine ou l’Estonie, et se retrouve même à égalité avec l’Arabie Saoudite selon Fitch. Cela isole clairement la France au sein de la zone euro, où la majorité des emprunteurs souverains profitent encore de meilleures signatures. À noter que l’Italie, avec une note plus faible, a un endettement encore plus élevé.

Quels sont les impacts directs et indirects de cette dégradation ? Faut-il s’inquiéter pour les marchés, ou pour le coût de la dette ?

Sur le plan direct, le risque principal est une hausse du coût de refinancement de la dette française. Les investisseurs pourraient exiger une prime de risque supplémentaire, ce qui pèse mécaniquement sur les finances publiques. Les taux d’intérêt des obligations françaises se sont d’ailleurs déjà écartés de ceux de l’Allemagne, et de l’Espagne pour s’aligner avec ceux de l’Italie.

Indirectement, cette décision pourrait obliger le gouvernement à accélérer l’assainissement budgétaire, même si dans le contexte actuel les compromis sur le budget semblent très difficiles à trouver.

Ne paniquons pas quand même. Pour l’instant, peu de ventes forcées sont anticipées sur le marché des obligations d’État : les investisseurs avaient, en partie, déjà intégré la perspective d’une telle sanction. Mais cela reste un signal d’alarme pour la crédibilité financière du pays et cela pèse aussi sur l’économie réelle, avec potentiellement des conséquences sur les taux des crédits aux ménages et aux entreprises à moyen terme.

Dernière question, ce mouvement de Fitch risque-t-il d’être suivi par les autres agences ? Et la France risque-t-elle une dégradation supplémentaire ?

C’est un vrai sujet : Moody’s et S&P, les deux autres grandes agences, rendront leur verdict dans les semaines qui viennent. Si ces agences baissaient à leur tour la note de la France, certains gérants institutionnels seraient contraints de réduire leur exposition et cela pourrait accentuer l’écart des taux. Mais tant que l’Europe reste loin d’une crise type 2012, la BCE dispose de leviers pour contenir la contagion. Le vrai juge de paix sera la capacité du gouvernement à présenter et à faire voter un budget crédible et une trajectoire de réduction du déficit. Ce sera un test majeur pour la stabilité financière du pays dans les mois à venir.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.