Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. Aujourd’hui, je souhaitais discuter de la tendance croissante des entreprises européennes à s'introduire en bourse à New York plutôt qu'en Europe. L’année dernière, deux des trois plus importantes introductions en bourse à Wall Street étaient européennes. La société technologique britannique ARM et le fabricant de sandales allemand Birkenstock ont en effet tous deux préféré une cotation aux US, plutôt que de choisir la bourse de Londres ou de Francfort.
En France, TotalEnergies étudie la possibilité de transférer sa cotation principale de la bourse de Paris à celle de New York. Et le gestionnaire d'actifs français Tikehau vient d’annoncer la même démarche.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons principales de cette tendance ?
Il y a en a plusieurs. Tout d'abord, Wall Street offre une meilleure valorisation pour de nombreuses entreprises, en particulier dans le secteur technologique mais pas que. Dit simplement, les investisseurs américains sont souvent prêts à payer plus cher pour des actions d'entreprises innovantes ou en forte croissance.
Est-ce uniquement une question de valorisation ?
Non, pas uniquement. Un autre facteur important est l'accès à un bassin d'investisseurs beaucoup plus large. Les États-Unis représentent environ 60% de la capitalisation boursière mondiale, ce qui signifie qu'il y a beaucoup plus de capitaux disponibles. Or ces investisseurs institutionnels américains s’imposent souvent des règles d’investissement qui les poussent à privilégier d’investir dans des entreprises cotées sur leurs propres marchés.
Ce n’est pas que par chauvinisme. C’est plus pratique de suivre des actions qui s’échangent à la bourse locale, durant les horaires de travail traditionnels.
On parle souvent de la "profondeur" du marché américain. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
La profondeur du marché fait référence à la liquidité et au volume des transactions. À Wall Street, il y a un écosystème très développé d'analystes financiers et d'investisseurs spécialisés. Cela signifie qu'une entreprise peut bénéficier d'une meilleure couverture - par les analystes spécialistes - et d'une meilleure compréhension de son modèle d'affaires, ce qui peut se traduire par une valorisation plus juste. Et disons-le, plus élevée. C’est en tous les cas, ce qui motive les dirigeants des entreprises européennes qui décident de se coter outre-Atlantique.
Certaines entreprises européennes choisissent même de ne pas être cotées du tout en Europe. Pourquoi ?
C'est vrai. Certaines entreprises, notamment dans le secteur technologique, estiment que leur activité n'est pas nécessairement liée à l'économie de leur pays d'origine. Elles préfèrent donc s'introduire directement aux États-Unis où se trouvent souvent leurs principaux concurrents et où les analystes sont plus familiers avec leur secteur.
N'y a-t-il pas des inconvénients à être coté aux États-Unis pour une entreprise européenne ?
Si, bien sûr. Les exigences réglementaires et de reporting financier sont souvent plus strictes aux États-Unis, ce qui représente un coût et une charge de travail supplémentaires. Ainsi le régulateur local, la fameuse Securities and Exchange Commission exige la publication de résultats financiers sur une base trimestrielle. Celles-ci doivent se faire selon les normes comptables américaines, ce qui peut être complexe.
Cependant, pour beaucoup d'entreprises, ces inconvénients sont compensés par les avantages en termes de visibilité et d'accès aux capitaux.
Cette tendance a-t-elle des implications pour les marchés financiers européens ?
Absolument. C'est un défi majeur pour les places boursières européennes qui risquent de voir leurs meilleures entreprises partir vers les États-Unis. Les grandes bourses européennes, comme le London Stock Exchange et Euronext envisagent d'ailleurs tous d'assouplir leurs règles afin de rester compétitifs. C'est un enjeu crucial pour l'avenir de la finance européenne.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.