Cette semaine, nous retrouvons Marie-Sixte Imbert, directrice des opérations de l’Institut Open Diplomacy, pour sa chronique “Relations franco-allemandes”.
Olaf Scholz, le nouveau Chancelier fédéral, était à Paris dès vendredi dernier, le 10 décembre, pour son premier voyage officiel. Un signe encourageant pour le couple franco-allemand ?
En tous les cas, un symbole intéressant, accompagné par le premier déplacement de la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, à Paris jeudi dernier.
Les partis de la coalition “feu tricolore”, le SPD, les Verts et le FDP sont des partis pro-européens, attachés à l’amitié franco-allemande, et désireux de l’approfondir. Ils l’ont d’ailleurs mentionné dans le contrat de coalition. Avec une ambition et une volonté plus affirmée que ces dernières années. Et à tous les niveaux, politique, gouvernemental comme parlementaire, mais également économique ou civil. L’Union européenne est considérée comme la bonne échelle pour agir, et la coopération franco-allemande comme une nécessité. Nombreuses sont les personnalités pro-européennes et proches de la France au sein du nouveau gouvernement, mais également au Bundestag.
Concernant le timing, les feux sont au vert. L’Allemagne s’est dotée d’un nouveau gouvernement avant le lancement de la présidence française du Conseil de l’UE le 1er janvier prochain. La France, contrairement à 2017 avec le discours de la Sorbonne, a attendu la constitution du gouvernement fédéral pour faire ses propositions en matière européenne. Deux jours après les élections fédérales de 2017, le discours de la Sorbonne et l’appel à la mobilisation n’avaient pas particulièrement été appréciés sur la forme.
“Business as usual”, ou renouveau des relations franco-allemandes ? Doit-on s’attendre à une “lune de miel” pour le “couple franco-allemand” ?
On peut en tous les cas s’attendre à un engagement réaffirmé en faveur de la coopération franco-allemande, à une plus grande proximité ou à tout le moins à un dialogue facilité. Une évolution donc, à l’image du monde de plus en plus incertain dans lequel nous vivons.
Sur le fond, les points de rapprochement sont nombreux. Sur la souveraineté stratégique européenne, matrice de réflexion en matière industrielle par exemple, sur le salaire minimum, sur la compensation carbone ou la régulation du numérique. Et le nouveau gouvernement est loin d’être constitué d’inconnus pour la France : Olaf Scholz lui-même est l’ancien ministre fédéral des Finances, et ancien Vice-chancelier d’Angela Merkel. Et considéré comme “quelqu’un qui tient parole et à qui l’on peut parler franchement" à l’Elysée.
C’est certainement en entrant dans les discussions concrètes que les points de friction vont apparaître. Sur la politique monétaire et budgétaire, sur la place et le rôle du nucléaire (énergie durable ou non ?), sur la coopération de défense et les exportations d’armements, France et Allemagne ont parfois des positions divergentes. En matière de politique budgétaire, l’Allemagne mène des investissements majeurs et est prête a minima à simplifier les règles budgétaires européennes. Mais on ne peut s’attendre à ce que les discussions soient simples, tant les positions restent opposées. Olaf Scholz a rappelé son double objectif d’ailleurs vendredi dernier : à la fois “maintenir cette croissance qui a été engendrée par le pacte de relance” et “travailler à la solidité de nos finances”. “Ce sont les deux faces d’un même effort".
Quels sont donc les points de désaccord ou de convergence entre le nouveau gouvernement allemand et le gouvernement français ?
A ce stade, la volonté de “faire travailler ensemble nos deux pays", pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron est patente. Avec la volonté allemande également d’incarner la stabilité et une certaine forme de continuité, malgré l’audace du programme inscrit dans le contrat de coalition. Et donc la capacité de discuter sur de très nombreux points, peut-être plus qu’auparavant. Le chemin est large, mais il n’est pas exempt d’obstacles qu’il faudra surmonter. Et ce chemin est d’autant plus large que ces dernières années, l’Allemagne a accepté le principe d’un endettement européen commun par exemple, ce qui a constitué une véritable révolution.
Face à l’ampleur des défis, stratégiques, budgétaires, économiques et sociaux, la coopération reste essentielle, et France et Allemagne sont prêts à coopérer.
Faudrait-il donc abandonner cette expression, “couple franco-allemand” ?
Sans doute ! En Allemagne, on parle d’ailleurs de “moteur franco-allemand”, de “relations” ou de “partenariat” dans un sens à la fois plus pragmatique et plus ouvert sur la construction européenne par exemple. Et c’est sans doute en attendre beaucoup trop. Et oublier combien cette relation franco-allemande ne doit pas être exclusive, mais bien ouverte sur les autres États européens.
Mais c’est aussi pour cela que le traité d’Aix-la-Chapelle, d’amitié et d’intégration, a été signé par la France et l’Allemagne en 2019. Ou que l’Assemblée parlementaire franco-allemande a été créée la même année. Ou que le Comité franco-allemand de coopération transfrontalière créé. Pour se doter d’outils nouveaux pour renforcer la coopération, examiner les points de divergence et travailler à construire des solutions politiques au service de problèmes concrets.
Marie-Sixte Imbert au micro de Cécile Dauguet