Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.
Cette semaine Nathalie vous nous parlez d’une des compétences les plus sous-estimée de notre temps en matière de changement.
Oui et je pense que quand je vous dirai de quoi il s’agit vous serez peut-être un peu surprise.
Mais je vais déjà vous dire pourquoi j’ai eu envie d’en parler aujourd’hui.
Notre société devient de plus en plus polarisée, nous appartenons à des camps qui ont leur identité, leur vision du monde, leur façon de penser et nous avons de moins en moins l’occasion de côtoyer des visions différentes des nôtres.
Et quand c’est le cas, nous avons souvent du mal à entendre l’autre pour se dire tout simplement : ah ah, je n’avais pas vu ça comme ça.
Alors on pourrait se dire, où est le problème finalement ? On pourrait se dire qu’il suffit de cohabiter parallèlement chacun chez soi, chacun dans son entre soi.
Sauf que, quand les choses vont commencer à vraiment mal tourner, que la situation économique va se tendre davantage, que des pénuries d’énergie vont apparaitre et se multiplier, quand des catastrophes climatiques vont nous tomber dessus ou encore quand une nouvelle pandémie va débarquer, s’entraider ne sera plus une option mais une nécessité.
Et puis si à tout hasard, nous avions aussi envie d’un nouveau projet de société, nous allons avoir besoin de nous parler pour co créer.
Mais pour bien parler, encore faut-il savoir bien écouter !
Que voulez-vous dire par bien écouter ?
Et bien avez-vous déjà eu l’impression de ne pas être vraiment écoutée Laurence ?
Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, ça m’arrive tous les jours et c’est même peut être la norme aujourd’hui. Les échanges du quotidien sont souvent polis voire automatique.
Quand prenons-nous le temps de nous arrêter pour demander à l’autre, au lieu du fameux ‘ca va ? / ça va et toi ?’, un vrai ‘comment ça va, genre vraiment ?’ et de l’écouter attentivement.
A l’inverse, vous souvenez vous de la dernière fois où vous vous êtes sentie pleinement écouté.e ?
Prenons quelques secondes pour se le remémorer…
Ca fait du bien non quand ça arrive ? Comme si tout à coup le temps suspendait sa course folle, comme si l’instant s’épaississait et comme si nos humanités ouvraient une brèche dans la matrice pour dégager un temps nos vies de nos morbides comportements zombis.
L’écoute est sans doute l’une des compétences les plus sous estimées et les moins appréciées.
Pourtant nous avons là nous les humains un potentiel aussi remarquable qu’ignoré.
Comme le dit Otto Scharmer, fondateur de la théorie U, changer notre mode d’écoute est une révolution. Le fait de changer notre façon de prêter attention – aussi infime que ce geste puisse paraître – agit sur notre expérience des relations et du monde. En changeant cette expérience, nous changeons tout.
Et concrètement, comment peut-on faire évoluer notre qualité d’écoute Nathalie ?
Et bien, il y a pour cela un outil génial ! Un outil appelé : les 4 niveaux d’écoute.
Je vous propose tout simplement de les décrire car en en parlant, vous allez naturellement tenter de vous remémorer des situations où vous aurez eu recours aux différents niveaux. En tous cas, c’est mon invitation.
J’ai repris ici les descriptions proposées par la théorie U et les compléments d’un article de la newsletter de Mathieu Dardaillon, fondateur de ticket for change et auteur de l’ouvrage Anti Chaos.
Le 1er niveau d’écoute, c’est l’écoute automatique. C’est le niveau d’écoute dit routinier. Notre écoute (si on peut l’appeler ainsi) se contente de reconfirmer ce que nous savons déjà. J’écoute de ce que l’on me dit mais au fond je ne suis pas vraiment présent, je prête davantage attention à mes commentaires internes. Rien de nouveau ne pénètre dans notre bulle.
Le 2ième niveau d’écoute, c’est l’écoute factuelle Je vais un cran plus loin dans mon écoute :je cesse de m’écouter moi pour écouter l’autre. Je suis concentré et attentif, à la recherche de ce qui est différent, nouveau, inattendu. Je suis prêt à remettre en question mes idées préconçues. J’ai l’esprit ouvert : on pourrait dire que je suis en mode détective pour apprendre des choses nouvelles. Cette écoute nécessite d’ouvrir notre esprit, d’apprendre à suspendre nos habitudes de pensée.
Le 3ième niveau d’écoute, c’est l’écoute empathique. Nous voyons la situation à travers le regard d’autrui. Je me connecte à la personne en face, et pas seulement aux mots échangés. J’utilise mes émotions pour développer mes perceptions et ma compréhension des choses. J’essaie de “lire entre les lignes” en prêtant attention à ce qui n’est pas dit. Je cherche à me mettre à la place de mon interlocuteur et voir les choses de son point de vue. Je n’ai pas juste l’esprit ouvert, j’ai aussi le cœur ouvert.
Le 4ième et dernier niveau d’écoute, le plus transformateur, est appelé écoute générative. Il consiste à écouter ce qui est possible. Je suis à l’écoute de ce qui se dit ici et maintenant, mais aussi de l’avenir qui veut émerger. Je me connecte à quelque chose de plus profond chez l’autre et chez moi-même, en étant déconnecté de mon ego.
Et en quoi ces niveaux d’écoute, apprendre à les utiliser est une compétence clé aujourd’hui ?
Nous sommes face à la fin d’un monde, il est entrain de s’effondrer. Il va falloir en inventer un nouveau.
Et cela seul le collectif le pourra.
Mais il va peut-être aussi falloir apprendre à écouter une autre voix que celle qui nous fait répéter les mêmes schémas : celle de notre intuition, celle des murmures de la vie qui nous guide dans une nouvelle direction.
Notre écoute sort de l’automatisme et de l’aide à la confirmation de ce que déjà nous savons pour devenir un espace contenant permettant à une réalité nouvelle d’advenir. Notre écoute s’ouvre au futur émergent.
Lorsque nous arrivons à ce discernement-là, nous sommes capables de créer des possibilités qu’aucune des parties n’avait eues à l’esprit en entrant dans la conversation, ni même s’attendait à voir émerger !
En quelque sorte, il se passe une situation de “flow” collectif. Nous sortons alors transformés avec des idées et une énergie nouvelle. Un avenir différent émerge. On peut aussi appeler cela la créativité.
Otto Scharmer nous dit à ce sujet : ‘mon activité professionnelle m’a enseigné que le succès des initiatives de leadership et de transformation dépend de la capacité du ou des leaders à observer la nature de leur écoute et à l’adapter aux besoins de chaque situation.’
L’écoute, une compétence clé fruit de dames présence et générosité mais aussi d’un discernement éclairé.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.