Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.
Cette semaine nous continuons à discerner bonheur et plaisir et leur lien avec l’écologie
Tout à fait. Je vous laissais en plein suspens la semaine dernière sur le sujet !
Je vous avais raconté l’incompréhension de mon oncle quand je lui ai dit que j‘arrêtais Netflix alors que j’y trouvais un ‘certain ‘ plaisir.
Je vous racontais comment je me sentais addict à la plateforme et comment je sentais qu’elle me maintenait dans une spirale infernale en me donnant du plaisir sans pour autant me nourrir.
Autrement dit on a fait la distinction entre plaisir et véritable bonheur.
Vous me direz, ce n’est pas bien grave, on a bien droit à nos petits plaisirs n’est-ce pas ?
Oui, sauf que si le bonheur devient une quête de plaisirs récompensés par des shoots de dopamine cultivant ainsi un cycle sans fin, cela s’appelle une addiction.
Et non seulement cette confusion affecte notre santé psychique mais elle est aussi source de désordres écologiques.
Corrélée à l’abondance énergétique, la recherche immodérée de plaisirs, par le consumérisme qu’elle entraine, aboutit inexorablement à la destruction du monde.
Mais vous nous partagiez tout de même la semaine dernière que ce n’était pas une fatalité, que nous avions du pouvoir face à ça.
En effet.
Une fois que l’on sait, que l’on est capable de discerner entre plaisir et bonheur, nous avons une responsabilité mais aussi du pouvoir.
Le pouvoir de choisir, de choisir de cultiver ce qui me procure du bonheur plutôt que du plaisir.
Pour autant, cela ne va pas de soi.
Car contrairement au plaisir, le bonheur ne s’achète pas.
On ne le trouve pas à l’extérieur de soi. En ce sens il est difficilement saisissable.
‘Le bonheur est une quête existentielle qui se travaille sur le long terme et à travers le regard que l’on porte sur nous-même et sur le monde.’ nous dit Lucas Verhelst co auteur du manuel d’un monde en transition(s).
Et quel pourrait être ce regard alors ?
Il me semble que ce regard pourrait être celui du contentement, du simple bonheur d’exister, du bonheur à contempler ce qui est déjà là.
Je sais que l’idée de contentement ou du non agir peut sembler peu sexy dans une société de l’excitation permanente. Une société qui veut toujours plus, toujours mieux, toujours plus loin et surtout tout de suite.
Peut-être est-il là le nœud du problème ? Vouloir que les choses soient autrement.
Faire preuve d’insatisfaction permanente et donc du syndrome du manque.
Je vous invite à y faire attention quotidiennement, observez les ‘si seulement’, les ‘il faudrait’, les ‘il n’y qu’à’ , les râleries, les frustrations, les indignations.
Voyez ce qu’elles provoquent comme états intérieurs : provoquent-ils de l’agitation, de la fuite en avant ou de l’enthousiasme, de la joie, de la paix intérieure ?
Voyez ce qu’elles provoquent comme comportements : de la réaction, de la division, de la compulsion ou de l’harmonie, de la communion.
Mais si ce n’est pas en voulant qu’elle change, comment faire face à une société devenue impossible à cautionner ?
‘A fixer trop longtemps le monstre qu’on veut combattre, on le devient.’ nous disait le philosophe Mircea Eliade.
Alors peut-être que le monde d’après est celui où la réaction doit cesser car elle nourrit la bête et lui permet de continuer.
Peut-être, comme le dit merveilleusement Christiane Singer, que l’espoir ne doit plus être tourné vers l’avenir mais vers l’invisible.
Peut-être faut-il oser le hiatus, l’espace, l’instant suspendu.
Ne pas vouloir répondre tout de suite.
Affamer en nous la vache sacrée de la ‘créativité’, de l’innovation, suspendre le temps, laisser la vie reprendre son souffle.
Où cours tu, dit-elle, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
Et s’il était là le vrai bonheur ? Tapi sous notre couverture intérieure, toujours présent pour qui saura écouter sous le brouhaha de ce monde en folie.
Le bonheur est la paix intérieure, elle est aussi notre écologie.
L’ anthropologue Jason Hickel y fait d’ailleurs un bel écho quand il dit : heureuse coïncidence que ce que nous devons faire pour survivre est aussi ce que nous devons faire pour être heureux.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.