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Le 17 mai dernier était célébrée la journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. Des phénomènes de violences et inégalités contre les personnes LGBT+ qui sont encore présents sur le continent européen.
Trouver un équilibre entre montrer qu'il se passe des choses très dures et très graves, et en même temps que ça peut être très beau de vivre son homosexualité. Ce n’est pas une tragédie qui va s’abattre sur nous. Garance Coquart-Pocztar
L'état des discriminations contre les personnes LGBTQIA+ en Europe
Au micro de la RTBF, Jeremy Gobin, membre de Iglyo, la première organisation de jeunesse LGBTQIA+ au monde :
D’après notre analyse, chez Iglyo et Ilga Europe, de l’étude menée par l’Agence Européenne des Droits Fondamentaux sur les droits des personnes LGBTQIA+, à l’heure actuelle, un tiers des jeunes LGBT indique avoir été agressé physiquement ou sexuellement ; un jeune LGBT sur 10 déclare avoir rencontré des difficultés de logement ou avoir expérimenté du sans-abrisme, et le chiffre est encore plus élevé pour les personnes trans, avec 17%, ce qui est vraiment énorme. Et seulement 11% des jeunes LGBT de 18 à 24 ans se déclare « très ouvert » par rapport au fait d’être LGBT. Ces données concernent l’ensemble de l’Union européenne.
Dans chaque États-membres de l’Union européenne, la même problématique persiste : comment faire changer les esprits pour parvenir à réduire ces discriminations ? En France, l’artiste Garance Coquart-Pocztar réalise depuis des années des interventions en milieu scolaire et auprès d’adultes pour sensibiliser contre l’homophobie.
En parallèle de ma vie d’artiste, c’est vrai que je suis très impliquée dans des associations militantes LGBTQIA+. J’ai fait partie de SOS Homophobie pendant presque 4 ans, et maintenant jue fais partie de la station LGBTI de Strasbourg et d’Alsace. J’ai commencé à militer à SOS Homophobie lors de ma dernière année d’étude. C’est une association nationale qui, à la base, c’était principalement une ligne d’écoute pour les personnes victimes ou témoins d’actes homophobes ou transphobes. Puis qui s’est élargie à une mission de militantisme, une mission de sensibilisation et toujours la mission d’écoute. Moi, je me suis impliquée principalement dans la mission de sensibilisation, ce qui m’intéresse c’est vraiment de sensibiliser les collégiens et lycéens, mais aussi un public adulte à la lutte contre les discriminations.
Alors c’est principalement des interventions où on va en milieu scolaire. On se déplace vers les collèges et les lycées, où on prend classe par classe pendant 2 heures pour discuter. C’est vraiment sous la forme de débats, des différents enjeux autour des orientations sexuelles, de l’identité de genre, on ne parle pas du tout des pratiques sexuelles, c’est vraiment focalisé sur la lutte contre la discrimination. L’idée c’est à la fois de donner les bons termes, de faire découvrir des choses qui peuvent être mal connues ou qui sont encore taboues, et ensuite de sensibiliser aux discriminations qui y sont liées, pour inciter à ne plus discriminer. Toujours en élargissant à toute forme de discriminations, pour leur montrer qu’il s’agit d’un système. La discrimination c’est un système très vaste qui peut toucher plusieurs personnes et qui finalement a les mêmes mécanismes, quelque soit la discrimination.
Pour mettre fin au système des discriminations, quelle est la meilleure méthode ?
Je pense c’est juste quelque chose qui s’apprend. Si on pouvait, je pense qu’il serait mieux de commencer encore plus tôt, car on a eu l’exemple tragique du jeune Lucas qui avait 12 ans qui s’est suicidé parce qu’il subissait de l’homophobie, donc pour moi si on est capable de subir de l’homophobie à 12 ans, on est capable d’entendre comment dire, 2 heures de sensibilisation contre l’homophobie et même c’est nécessaire.
On peut s’appuyer sur le rapport sur l’homophobie qui est fait par l’association SOS Homophobie. C’est un livre où tous les ans on recense les actes homophobes qui ont pu avoir lieu et qui ont été soit récupérés par des témoignages sur la ligne d’écoute, ou soit par une veille faite par les bénévoles, et cela peut être un document ressource lors des interventions en milieu scolaire. Mais on ne va pas l’utiliser systématiquement parce que l’idée n’est pas que les élèves à la fin soient déprimés, ou si potentiellement il y a un élève LGBT dans le groupe et qui a du mal à le vivre, il ne faut pas qu’il se dise “mon futur plus tard c’est de me faire tabasser”. Voilà, ce n’est pas ça l’idée. Les témoignages choc on les garde un peu, pour parfois leur faire prendre conscience qu’on ne vient pas pour rien, que derrière il y a des vraies histoires et elles sont tragiques. Mais l’idée n’est pas de focaliser que là dessus non plus car ça peut être assez dur, et cela aussi c’est quelque chose sur la manière de s’adapter au public qu’on a. Trouver un équilibre à chaque fois entre il se passe des choses très dures et très graves, et en même temps ça peut être très beau de vivre son homosexualité, et ce n’est pas une tragédie qui va s’abattre sur nous.
Au final, qu’il s’agisse des obstacles réels rencontrés dans la vie quotidienne par les personnes LGBT ou bien de leurs questionnements intimes voire de leur auto-censure, au fond lutter contre les discriminations c’est se débarrasser de nos peurs mutuelles.
Je pense qu’il y a aussi la peur d’être discriminé en fait, de se dire “ah mais ça pourrait être moi, du coup ça fait peur”. Même sans cette peur, voilà la question de savoir qui on est, comment est-ce qu’on est sûr, ça revient tout le temps. Et c’est des questions auxquelles on n’a pas forcément de réponse, à part dire qu’on se découvre toute sa vie, et que voilà il n’y a pas de mauvaise orientation sexuelle, on ne peut pas dire plus de chose.
Le rôle de la culture et de l'art pour changer les mentalités dans chaque territoire
Qu’est-ce qui manque au cinéma sur les représentations trans ? Ces représentations sont toujours les mêmes, aussi parce qu’elles souvent faites par toujours les mêmes personnes, à savoir pas nous [les personnes LGBT]. Pawel Thomas Larue
En attendant, s’il y a une chose que l’on peut dire c’est que les efforts payent : selon une enquête Eurobaromètre réalisée en 2019, 76 % des Européens sont d’accord pour dire que les personnes gay, lesbiennes ou bisexuelles devraient bénéficier des même droits que les personnes hétérosexuelles. C’est 5 % de plus par rapport à 2015, une grande majorité donc et qui progresse encore, notamment grâce aux représentations de plus en plus visibles dans tous les territoires des personnes LGBT. La culture y joue un grand rôle : en Bretagne, le jeune réalisateur Pawel Thomas Larue en a fait le sujet de son nouveau film “les garçons dans l’eau”, qui raconte l’histoire d’amour entre deux garçons transgenres dans l’environnement breton.
Moi je tentais une formation de réalisation et pour rentrer dans cette formation il fallait que j’écrive un projet. C’était assez intéressant car jusqu’à présent j’avais fait que des petits projets soit de fiction, soit de docu qui partaient plutôt dans le sens de “qu’est-ce que j’ai envie de raconter en ce moment ? donc j’en fais un projet”. Là non, du coup c’était un peu différent, je savais qu’il fallait que j’écrive un projet, je savais que j’avais envie de faire de la fiction, je savais que j’avais un format de cours qui était obligé, donc j’avais déjà des petites contraintes, et en vrai moi j’aime bien travailler avec de la contrainte, car ça te donne un peu un cadre dans lequel développer quelque chose. Après, j’ai commencé à me demander “qu’est-ce qui manque au cinéma ?” notamment sur les représentations trans. Ces représentations sont toujours les mêmes, aussi parce qu’elles souvent faites par toujours les mêmes personnes, à savoir pas nous [les personnes LGBT - NDLR]. Je suis parti de ça, et je me suis dit voilà typiquement des histoires d’amour queer, en dehors de Paris, en dehors des villes de manière générale. C’est un truc qui manquait énormément. J’ai grandi à la campagne. J’ai grandi en tant que personne queer à la campagne. Donc ça c’était un truc que j’avais envie de raconter. Je sais que les histoires d’amour avec des personnes trans dedans on est très souvent du point de vue des personnes cis-genre : tu as souvent ce même genre de schéma de surprise, tu vois, la personne cis-genre rencontre une personne trans-genre, mais souvent elle ne sait pas qu’elle est trans, et puis c’est le moment où elle apprend qu’elle est trans et c’est un peu le twist dans le film.. Moi je n’avais pas du tout envie d’adopter ce truc là, je voulais qu’on soit vraiment avec la personne trans, qu’est-ce qu’elle ressent, c’est cette personne qui doit être le personnage principal. ça c’était important. Aussi, je voulais que ce soit une relation “trans-pédé”. Parce que dans les clichés autour des représentations trans dans les sériés, ou de manière générale dans les bouquins, ce sont souvent des relations hétéro, alors que des relations trans-pédé il y en a plein. Il y a vraiment beaucoup de mecs trans qui deviennent pédé, et c’est une histoire qui n’est pas vraiment racontée, alors que c’est une histoire qui peut amener plein de questionnements, qui peut être intéressante. J’avais vraiment envie de parler de ce truc.
Un reportage réalisé par Romain L'Hostis.