Elise Bernard, Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit et ses exigences créent des dissensions entre les représentants des Etats membres, on l’a vu à plusieurs reprises mais plus on avance plus la notion semble se trouver au coeur des oppositions qui secouent l’Europe.
Il est de plus en plus net que la question de l’influence est capitale et elle est intimement liée à celle tenant à l’interruption des ambitions impérialistes.
La Russie a des ambitions impérialistes, c’est admis, mais elle part du principe que l’Europe aussi.
Voilà,chaque nouvelle adhésion d’un Etat à l’OTAN ou à l’UE - en particulier quand il s’agit d’un Etat ex soviétique - est perçu comme une extension impérialiste.
Mais les adhésions ne sont pas forcées, l’Union européenne ne menace personne!
C’est vrai, mais il faut comprendre que tous les outils – comme le Partenariat oriental – soutenant la société civile organisée sont envisagés comme un moyen d’influence impérialiste. L’idée serait donc : l’UE offre de l’argent pour encourager les opposants politiques.
C’est pour cela que voter une loi sur les agents étrangers en Géorgie calquée sur un modèle russe donne le signal d’un refus de l’influence de l’Union.
Les manifestations témoignent donc du fait que les Géorgiens sont encore divisés sur le modèle à adopter, on en a parlé la semaine dernière. Ce qui inquiète, dans cet Etat tout récemment candidat, c’est que le Parlement géorgien a annulé le veto posé par la présidente de la République Zurabishvili.
La loi est donc passée en force, malgré les manifestations et le veto de la présidente qui, elle, agit depuis le départ pour assurer la meilleure adhésion possible à l’Union européenne.
Cela va encore plus loin que ce simple descriptif institutionnel. Le 26 mai, jour de la fête nationale géorgienne, le premier ministre l’a accusée d’avoir troublé la paix dans le pays.
C’est le monde à l’envers, celles et ceux qui oeuvrent pour un Etat de droit plus exigeant, conforme au droit de l’Union européenne sont considérés comme des fauteurs de trouble.
C’est exactement le message que les opposants à l’UE actuelle - comme soutien à la résistance ukrainienne et acceptant les candidatures pour faire levier sur la scène géopolitique - essaient de faire passer. Salomé Zourabichvili mais on peut ajouter Kaja Kallas première ministre estonienne, Ursula von der Leyen présidente de la commission européenne ou Maia Sandu présidente de la Moldavie sont responsables de l’extension du conflit. Sur un malentendu, on pourrait oublier qui a traversé illégalementune frontière avec ses chars d’assaut en février 2022 et en août 2008.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron