Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit c’est le droit pour tous et qui s’applique à tous. Évidemment, en fonction des circonstances, on prévoit des aménagements. Au niveau de l’Union européenne, le Digital Market Acts prévoit des aménagements pour les entreprises par exemple?
Ce texte spécifique qui réglemente à la fois le droit de la concurrence et la protection du consommateur et droits fondamentaux des individus entre en vigueur le 7 mars prochain. Et il est encore soumis à quelques aménagements.
Lacher du lest sur des exigences européennes en faveur de ces entreprises qui dominent le monde virtuel ce n’est pas le signe qu’ils dominent la politique? voire nos institutions?
Je ne dirai pas ça ainsi. Les Etats créent des alliances avec les entreprises gigantesques de la tech, c’est sûr.
Donc quand le 13 février dernier, la Commission européenne décide d’exempter certains produits des GAFAM du champ d’application du texte européen, cela s’inscrit au delà de la réglementation..
Évidemment, l’idée n’est pas de s’extraire du système d’Etat de droit. Le droit européen est rigoureux à l’égard des entreprises américaines. Personne n’a dans l’idée de tout annuler. Ils se sont mis d’accord sur le fait que certains produits n’ont pas besoin d’être aussi strictement encadrés car ils ne seraient pas assez populaires en Europe et ne seraient pas considérés comme des « services de plateforme essentiels ». 3 pourcents du marché pour le moteur de recherche concerné.
Le critère c’est donc la préférence des consommateurs?
On peut y voir le verre à moitié plein: c’est le citoyen qui est d’abord pris en compte. Même si on constate un traitement préférentiel réservé à 2 des GAFAM.
Mais la Commission reste gardienne des traités donc va surveiller l’évolution du marché.
Oui, elle se réserve la possibilité de réévaluer les exemptions accordées en cas de changements constatés. C’est toujours la bonne coordination entre acteurs économiques que l’on cherche ici. Avec, au centre, le citoyen.