Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, Élise Bernard décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’État de droit ce sont des garanties institutionnelles, mais à un an des prochaines élections de 2024, comment garantir plus de démocratie institutionnelle européenne ?
C’est vrai, lors des élections européennes, les citoyen·nes choisissent leurs représentant·es parlementaires au niveau de l'Union européenne. Ce qui rend les choses un peu difficiles à saisir pour les citoyen·nes c’est que ce scrutin est essentiellement organisé au niveau national. Dans les faits, seuls les partis politiques nationaux figurent sur les bulletins de vote.
Oui donc les candidat·es au Parlement européen sont choisi·es par leur propre nationaux en référence à leurs partis nationaux.
En effet, ce n’est pas très européen. Mais on y réfléchit depuis longtemps ! Je pense en particulier à cette proposition, préparée par la commission des affaires constitutionnelles du Parlement et adoptée en plénière le 3 mai 2022. L’objectif est de transformer les élections européennes en une seule élection européenne, par opposition aux 27 élections nationales distinctes actuelles.
C’est dans ce rapport que l’on parle de listes transnationales, n’est ce pas ?
Oui, en autre, est développée cette idée d'une circonscription unique, à l'échelle de l'UE, pour élire 28 député·es européen·nes. 28 député·es en plus des député·es élu·es dans les 27 circonscriptions nationales ou régionales. Les partis politiques européens seraient alors en mesure de proposer des listes transnationales de candidat·es, avec en tête de liste leur candidat·e préféré·e pour la présidence de la Commission européenne. Les candidat·es tête de liste pourraient se présenter dans tous les États membres sur ces listes transnationales, ce qui permettrait aux électeur·rices de voter pour leur candidat·e préféré·e au poste de Président ou Présidente de la Commission.
Cela permettrait une meilleure légitimité de la Commission, mais pourquoi rien n’est fait en ce sens ?
L’idée n’est pas nouvelle, on en parlait avant les élections de 2019, mais elle n’a pas été admise par les chef·fes d'État et de gouvernement de l'UE. Lors d'une réunion du Conseil en février 2018, ils avaient déclaré qu'ils reviendraient sur la question en vue des élections de 2024.
Le Conseil ne serait donc pas pressé que les citoyen·nes se voient attribuer la possibilité de soutenir un parti politique européen, un programme européen commun et un candidat au poste de président de la Commission européenne ?
On peut dire ça comme ça en effet. Les mises à jour de l'Acte électoral européen sont soumises à une procédure décisionnelle spéciale, à l’article 223 du TFUE.
On a donc eu le débat clos en 2018. Le retour du sujet des listes transnationales avec la conférence sur l’avenir de l’Europe et la proposition préparée en conséquence par le Parlement européen. Maintenant, le Conseil peut la modifier et doit adopter le texte à l'unanimité après avoir obtenu l'accord du Parlement européen. Tous les pays de l'UE doivent approuver les dispositions avant qu'elles puissent entrer en vigueur et donc voir des listes transnationales sur les bulletins de vote pour le scrutin prévu l’année prochaine.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.