Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit européen c’est être plus inclusif, et en particulier à l’égard des femmes, on l’a vu la semaine dernière. Mais souvent, on a l’impression que la parité doit être imposée, sinon elle est rejetée.
C’est vrai Laurence que quand on voit ce qui s’est passé en République d’Irlande, on peut se poser cette question. Un référendum modifiant l’archaïque constitution définissant le rôle de la femme irlandaise a été largement rejeté.
C’est étonnant ce résultat. L’Irlande avait finalement réussi à légaliser l’avortement par référendum et c’est un Etat qui a reconnu assez tôt le droit de vote des femmes, en Europe.
Oui mais le débat sur l’avortement était régulièrement ravivé à cause de décès dramatiques de femmes. Décès directement lié à cette interdiction d’avorter. Quant au droit de vote accordé, il est trompeur : il a été reconnu à l’indépendance de la République d’Irlande en 1922 mais on était loin d’admettre une société inclusive dans sa constitution marquée par une certaine vision du catholicisme rigoureux.
La Constitution irlandaise que le référendum d’il y a 10 jours voulait modifier date de cette époque.
Exactement. Ce texte qui date de 1937 définit la famille sous le seul prisme du mariage. L’idée du nouveau texte soumis à référendum était d’inclure également les «relations durables». Les femmes sont elles présentées comme chargées de prendre soin de leur foyer. La nouvelle formule propose d’imputer à tous les membres d’une famille la responsabilité de prendre soin les uns des autres.
Donc en cette date symbolique du 8 mars, les électeurs irlandais pensent que non, il ne faut pas changer. Une femme est d’abord et avant tout en charge des tâches domestiques.
Je ne serai pas aussi radicale. Les votes de rejet d’un gouvernement, peu importe la question, sont devenus monnaie courante. Certains attendaient que le texte aille plus loin. D’autres ont crié au complot woke et j’en passe. C’est ainsi que se déroule le débat démocratique.
Enfin, 74% ont rejeté la révision de la phrase relative au rôle des femmes!
C’est vrai que dit comme ça, ça fait froid dans le dos. Le référendum était présenté comme une formalité. Comme si c’était sûr que les électeurs seraient favorables à ces mises à jour du texte.
L’abstention fait sentir ses effets donc!
Voilà. La mobilisation a été très nette du côté des critiques du texte et du gouvernement. Elle a été très faible du côté de ceux qui pensent que oui, c’est évident que tous les membres d’une famille prennent soin les uns des autres et pas que les femmes. Une leçon pour les prochains scrutins : ne jamais partir vainqueur d’un scrutin sans effort!
Entretien réalisé par Laurence Aubron.