Elise Bernard, Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
Est-ce qu’on peut, en ce début 2024, dire que l’Etat de droit convainc de plus en plus de gouvernants ?
Oui, c’est une interprétation possible de la multiplication des candidatures à l’Union européenne.
Elargissement de l’Union longtemps au point mort d’ailleurs.
C’est vrai, l’adhésion de la Croatie remonte à 2013 et s’est faite sans bruit. La candidature des autres ex-yougoslaves (Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord et Kosovo) n’a jamais vraiment été sur le devant de la scène.
Mais là, eu égard aux circonstances, l’élargissement était au cœur du dernier Conseil européen.
Exactement, Laurent. Il a pu être accordé le statut de candidat à la Géorgie. Et autorisation a été donnée pour ouvrir les négociations d’adhésion avec la Moldavie et l’Ukraine
Les Etats membres réunis en Conseil ont donc suivi les recommandations de la Commission européenne de novembre.
Voilà, à la lecture de ces recommandations et des conclusions adoptées par les Etats membres, on peut en conclure que l’objectif est bien d’encourager la diffusion d’un Etat de droit exigeant sur le continent.
Malgré la position dissidente de la Hongrie?
C’est là que l’analyse, au regard du respect des règles, est intéressante. Le Premier ministre hongrois a préféré quitter la salle pour éviter de voter. Donc, ne pas voter contre et laisser la décision suivre son cours.
Ah il s’est abstenu mais comme absent de la salle, cela donne une décision formellement prise à l’unanimité.
Exactement. Cela signifie donc qu’il pourra à l'avenir continuer à se positionner contre l’adhésion de l’Ukraine à l’UE pour en tirer quelque chose mais aussi faire pression quant à sa vision de l’Etat de droit.
Cette décision est encourageante quand même, elle renvoie l'image d'une Union européenne soudée, concernée par le sort de l’Ukraine et son avenir en tant qu’Etat de droit!
Il faut bien sûr se réjouir de chaque petit pas. Surtout quand des discours de fatigue vis-à-vis de la guerre se font entendre. Cela permet d’envoyer aussi un message fort aux Etats-Unis et à la Russie.
Donc l’Union se prononce en faveur d’un soutien à l’Ukraine.
Oui et non. C'est pour ça que le pas est particulièrement petit. Pour l’ouverture des négociations, on a vu une unanimité un peu bricolée au Conseil. Mais pour le vote d’une aide de 50 milliards d’euros à envoyer à l’Ukraine, le représentant hongrois ne s’est pas abstenu, il a opposé son veto.
Ah, mais c’est une décision symbolique alors.
Non, c’est quand même plus que cela. L’Ukraine est un Etat candidat et les négociations sont ouvertes. Elles peuvent être entravées certes, mais elle reste bien plus qu’un partenaire. Comme il s’agit d’un candidat dans une situation exceptionnelle, le Conseil européen peut de nouveau se réunir le 1e février : on parle d’une aide à l’Ukraine à 26.
Faire sans la Hongrie en d’autres termes.
Précisément, faire sans le gouvernement hongrois qui poursuit ses logiques propres en termes d’Etat de droit!