Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.
Dans le chapitre 25 du livre “30 idées pour 2030”, Laurence Borie-Bancel, présidente du directoire de CNR depuis 2021, partage sa vision sur un enjeu aujourd’hui essentiel : la gestion durable de la ressource en eau à l'ère du changement climatique. Cela devrait couler de source et pourtant l’eau n’est pas toujours considérée de manière intégrée aux enjeux du réchauffement climatique.
Justement, en quoi la gestion de l’eau est-elle une composante essentielle de la lutte contre le changement climatique ?
Rappelons que la décennie 2011-2020, puis l'année 2023-2024 ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans l’histoire.
L’eau, ressource commune, est au cœur du défi climatique avec des usages qui vont s’accroissant en parallèle d’une raréfaction des ressources et de leur disponibilité. De là l'urgence et la complexité de trouver des solutions à la “crise de l’eau”.
A la veille des élections européennes, il est impératif de mener une mobilisation complémentaire et de pérenniser à l’agenda l’appel à un “EU Blue Deal”. Pour indication, l’eau n’est désormais plus suffisamment disponible en quantité et en qualité, 20% des terres et 30% de la population européenne sont au moins touchés par les pénuries d’eau et plus de la moitié des masses d’eau de surface ne sont pas en bon état écologique et chimique.
Mais alors, comment s’adapter face à ce panorama de plus en plus « désertique » ?
Il faut d’abord souligner la nécessité d’une mobilisation entre les différents acteurs, à la fois publics et privés, et d’une approche coordonnée à différentes échelles. L’échelle des bassins fluviaux est à ce titre fondamentale pour une véritable action.
Forte de son expérience, Laurence Boris-Bancel détaille la gestion du fleuve du Rhône par la CNR comme un exemple de bonne pratique. Il s’agit d’un modèle original établi sur l'intérêt général et la solidarité entre les usages. Son approche intégrée rend possible le partage de la ressource entre usagers et respect de la biodiversité.
Pour autant, le besoin d’innovations est continuellement présent pour répondre aux défis climatiques et pour accompagner de nouvelles pratiques notamment dans le cas du monde agricole, premier secteur impacté par le besoin d’une économie d’eau et par les aléas climatiques.
En quoi l’échelle européenne est-elle essentielle pour une gestion intégrée de l’eau ?
L’Union européenne doit d’urgence s’emparer de ce sujet ! Et faire du « Blue Deal » le grand chantier des cinq années à venir. L’Europe a déjà joué un rôle pionnier en adoptant en 2000 la Directive cadre sur l’eau afin de limiter les pollutions des milieux aquatiques, de garantir leur santé et par-delà celle des citoyens.
Mais nous devons aujourd’hui aller plus loin avec une stratégie dédiée, globale et coordonnée.
Existe-il à la veille des élections européennes une telle volonté politique ?
Le Comité économique et social européen a lancé en octobre 2023 un appel à un « Blue Deal » européen et la Commission européenne a de son côté annoncé une initiative prochaine pour la résilience sur l’eau. Ces éléments devraient être présents dans les débats des élections européennes et à l’agenda de la prochaine Commission afin de répondre à plusieurs impératifs qui se croisent en haut de l’agenda européen.
Face à ces enjeux, il existe déjà de nombreuses solutions. À ce titre, un partage des bonnes pratiques et des savoirs à l'échelle européenne est fondamental pour répondre de manière coordonnée et efficace à ce défi complexe, car systémique. Quel usage de l’eau privilégié ? La consommation individuelle, la production d’énergie, l’agriculture, le transport ? On voit bien qu’il est essentiel qu’un consensus émerge sur les réponses à apporter à ces questions, et sur la manière démocratique d’y répondre.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.