Les sols, merveilles invisibles

La richesse des sols

Photo de Tiphaine Chevallier La richesse des sols
Photo de Tiphaine Chevallier

Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Bonjour Tiphaine, quoi de neuf dans l’actualité des sols ?

Avec toute la pluie tombée ces derniers jours, l’artificialisation des sols est un sujet d’actualité ! Mais je ne vais quand même pas vous faire la même chronique qu’il y a deux semaines !

Alors cette semaine ?

Nous allons être positif, car les sols renferment des trésors. La preuve ? La chouette d’or ! Parait-il qu’elle vient d’être enfin découverte, déterrée après avoir séjournée quelques années dans les sols. Pour peu que l’on sache chercher, il est possible de décrire, mesurer, caractériser ces trésors.

Sauf si évidement on trouve le trésor d’un pirate ou la chouette d’or, comment qualifier la richesse d’un sol ?

C’est un peu comme parler d’un sol fertile, de la qualité d’un sol, de sa santé, la définition dans l’absolu n’est pas évidente. On peut dire par exemple que la richesse d’un sol repose sur ce que l’on peut en retirer, une production, un revenu et donc sur les éléments nécessaires à cette production qu’il contient.

Un sol c’est je le rappelle, 50% de porosité, de vide plus ou moins rempli d’eau et 45 % de particules minérales de différentes tailles et héritées de l’altération des riches et 5 % de matière organique. Les 45 % de minéraux, on n’y peut rien, ils sont là, difficile de modifier cette contrainte. En revanche la partie organique, selon leur usage, leur occupation végétale et les pratiques agricoles on peut l’enrichir ou pas. Enrichir les sols est souvent synonyme d’apports organiques au sol.

La richesse d’un sol tiendrait donc à cette partie organique. Mais c’est quoi exactement ?

Oui comme tous les trésors cachés, elle n’est pas évidente à observer. Pour une petite partie, 5-10%, ce sont des êtres vivants, des bactéries, champignons, des enchytréides, des collemboles, des acariens, des vers de terre… je ne peux pas tout lister car tous les groupes d’organismes ont des représentants dans les sols. Une étude de 2023 a montré que 60% de la biodiversité de la planète était hébergée dans les sols.

Plus de la moitié, 60% de la biodiversité totale, c’est ça ?

C’est un chiffre global, bien sûr les sols hébergent à peine 5% de la biodiversité des mammifères, mais pour d’autres organismes, les plantes, les champignons par exemple c’est bien plus de l’ordre de 80%. Tout ça pour dire qu’avec 60% de la biodiversité de la planète hébergée par les sols, en termes de conservation de la biodiversité, conserver les sols doit être là encore une priorité.

Parcequ’un trésor sous une dalle de béton meure, en tout cas celui-là, celui de la biodiversité !

C’est ça mais sans parler de dalle de béton, tout sol dégradé voit sa biodiversité diminuer. En parlant de mort… à côté de la petite part représentée par les organismes dont on vient de parler, 90% de la matière organique est de la matière organique morte. Cette matière, ce sont des cadavres de petits animaux, mais surtout des débris végétaux et des produits microbiens… C’est un ensemble très hétérogène. Pour la plupart des matières organiques, on ne reconnait plus l’organisme d’origine et elles sont associées aux particules minérales du sol. Ce mélange non reconnaissable à l’œil nu donne souvent la couleur noire des sols très visible dans les premiers centimètres sous la surface du sol. Ces matières organiques mortes participent au maintien de la structure du sol, indispensable pour l’infiltration, lutter contre l’érosion mais sont aussi la principale ressource énergétique de la vie des sols. Ainsi la plupart de ces apports organiques, de l’ordre de 90%, vont être consommés et ne plus être visibles ou détectables dès les premières années. Mais ils auront nourri et favorisé la vie du sol, qui aura à son tour libéré dans le milieu des nutriments favorables à la croissance des plantes. C’est une richesse qu’il convient de préserver dans les milieux naturels et d’entretenir en milieu agricole. Parcequ’il faut toujours se donner un peu de mal pour profiter des trésors !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.