Les sols, merveilles invisibles

Le ZAN de la loi Climat et Résilience de 2021

Image de Nico Franz - Pixabay Le ZAN de la loi Climat et Résilience de 2021
Image de Nico Franz - Pixabay

Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Aujourd’hui un sujet d’actualité le ZAN de la loi Climat et Résilience de 2021.

Oui Laurence et pour cette chronique je me suis inspirée de deux articles parus dans le journal Le Monde des 16 et 25 mars dernier. L’objectif de Zéro Artificialisation Nette, ZAN, est venu d’un constat « le grignotage régulier de nos sols ». C’est un problème car vous en êtes maintenant convaincus nos sols qu’ils soient dits naturels, agricoles ou forestiers sont essentiels à nos vies. On en a beaucoup parlé ici.

Le sol, une ressource essentielle et non renouvelable, ou alors difficilement.

C’est ça. Artificialiser c’est perdre tout ou une partie des fonctions et donc en conséquences des services que nous rendent les sols.

En gros, les logements et zones commerciales empêchent l’infiltration de l’eau dans les sols, ce qui peut engendrer ruissellement et inondations.

Par exemple. Mais l’utilisation des sols pour l’urbanisation, l’industrie ou le commerce, ce que l’on appelle artificialisation des sols, est aussi essentielle à nos vies. L’artificialisation ou la consommation de sols est régulière depuis toujours, avec une accélération dans les années 2000-2012. De 1990 à 2018 : 742 000 hectares, soit 1 060 000 terrains de foot ou l’équivalent de 14 fois la surface de la métropole de Nantes avec ses 24 communes ont été consommés en 30 ans.

Des chiffres impressionnants !

Oui quand on somme toutes les surfaces nouvellement artificialisées, on est toujours étonné. Car la particularité de ces surfaces c’est d’être éparpillées un peu partout, mais beaucoup sont situées dans les zones périurbaines des villes moyennes de 50 000 à 200 000 habitants. L’artificialisation des sols s’est faite de manière très peu coordonnée. Chaque commune française contrôlant l’usage de ses sols. Les terres agricoles autour des villes se vendant très bien. Construire du neuf sur ces terres est souvent plus facile et moins cher que la réhabilitation ou la densification de centres urbains.

Et les villes s’étalent.

Oui. Celles qui se sont déjà beaucoup étalées s’étalent moins et celles qui estiment avoir encore de la place pour le faire, ben l’ont beaucoup fait ces dernières années. Dans les très grandes villes comme Paris, Toulouse ou Marseille, les centre villes se densifient, alors que dans les villes moyennes, les centres se vident au profit de zones pavillonnaires en périphérie. Ainsi 66% de l’artificialisation de ces 30 dernières années est pour des logements, 24 % pour des activités économiques.

Le tableau pour les sols est noir.

Noir mais avec des nuances. Comme souvent tout n’est pas noir et c’est ce que montre bien la tribune du 25 mars dans le journal Le Monde. Les documents d'urbanismes, comme les schéma de cohérence territoriale (SCoT) évoluent. Certaines zones péries urbaines innovent, réhabilitent ou densifient des zones déjà artificialisées comme des friches commerciales, favorisent de l’habitat collectif. L’objectif de ZAN, zéro artificialisation nette a été posé sur les tables des élus, des aménageurs, des agents de l’immobilier. Avec cette question difficile comment ne plus consommer de terres d’ici 2050 à moins d’en restaurer.

Ça fait grincer des dents.

Bien sûr et c’est compréhensible. Le sénat le mois dernier a proposé d’assouplir les règles, et d’arranger les calendriers au risque de perdre de vue l’objectif. Cet objectif et les règles pour y parvenir ne sont pas toujours très claires. Il est vu comme une injonction, ne se préoccupant ni des contraintes locales, ni des élus locaux. Il impose des contraintes fortes. Les dents ne peuvent que grincer. Mais si moi je ne vois que l’objectif de préservation de l’environnement, d’autres y voient aussi une opportunité pour repenser, innover l’aménagement des zones péri urbaines car ces zones éparpillées, éloignées des centres, posent aussi des problèmes de transport et d’accès aux services publics. Si les enjeux d’environnement et socio-économiques peuvent s’aligner, il y a de l’espoir.

C’est votre conclusion ?

Et surtout celle de la tribune du Monde dont je vous parlais. Mettre en débat les objectifs de ZAN. Que les citoyens s’approprient cet enjeu de consommation d’espace, qui n’est pas infini, cet enjeu d’aménagement des territoires pour qu’on y soit le mieux possible dans un environnement nécessairement collectif où les sols ont aussi leur place.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.