Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
Il y a de nombreux commentaires sceptiques ces temps-ci quant à l’importance réelle de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Certains mettent en doute la capacité de la France à faire avancer les dossiers concrètement, et accusent Emmanuel Macron de se servir de cette Présidence, qui serait purement symbolique, pour faire campagne…
N’est-ce pas vrai ?
Évidemment, Emmanuel Macron ne néglige pas les atouts que lui procurent ce rôle. Ce rôle souligne sa stature internationale, face à des candidats dont aucun n’a d’expérience substantielle des questions internationales au plus haut niveau. Mais il n’a jamais caché son intérêt pour les questions européennes, et on ne peut pas dire qu’il s’implique dans la Présidence du Conseil uniquement pour en tirer des bénéfices électoraux. Il a des idées précises sur l’Europe, un programme et des ambitions.
La Présidence a toutefois deux limites : elle ne concerne que le Conseil de l’Union européenne, pas toute l’Union, et elle ne dure que six mois. Mais l’expérience montre qu’une présidence peut faire bouger les lignes, surtout quand il s’agit d’un État membre est grand et ancien.
Comment expliquer cela ?
Un pays comme la France a deux ressources importantes pour conduire la présidence.
D’abord, des hauts-fonctionnaires et des diplomates nombreux et expérimentés : le nombre de personnes mobilisées par la présidence française du Conseil est considérable, comparé à la présidence Slovène par exemple. Il y a aussi dans tous les ministères des gens qui ont déjà suivi des présidences et qui connaissent bien les rouages de l’Union. C’est un atout important pour conduire efficacement les activités du Conseil .
Ensuite, des réseaux solides et des alliés : la France est un pays qui compte parmi les 27, et pas seulement à cause du couple franco-allemand. Par ailleurs, Emmanuel Macron appartient au même parti que Charles Michel, le Président du Conseil européen. Il a aussi largement contribué à la nomination d’Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission. Enfin, le groupe libéral au Parlement européen est présidé par Stéphane Séjourné, un proche du Président. Il a donc des alliés puissants à Bruxelles.
Et comment faire avancer les choses en six mois seulement ?
Un texte législatif met environ 12 mois pour être élaboré par la Commission, et 18 de plus pour être adopté par le Parlement européen et le Conseil. De fait, il est impossible pour une présidence de solliciter une initiative et d’espérer adopter le texte en six mois. Mais elle peut faire trois choses :
- boucler des dossiers pendants, c’est-à-dire faire de sorte que le Conseil et le Parlement européen se mettent d’accord sur des textes qui sont en discussion depuis un an ou plus, et arrivent à l’étape de la décision finale ;
- encourager la Commission à prendre des initiatives, et essayer de les orienter, et définir de nouvelles priorités politiques ;
- lancer des débats sur des grandes questions, qui produiront des effets à moyen et long terme, et pourront se traduire par une réforme des traités, une initiative législative majeure ou la négociation d’un nouvel accord avec des pays tiers.
Donc, une présidence active et impliquée, qui arrive avec des dossiers bien préparés et négocie finement ses appuis au Conseil, à la Commission et au Parlement européen, peut réellement faire avancer les choses. Mais il s’agit plus pour ce pays de prendre son quart à la barre d’un bateau, pour le faire avancer vite, dans la bonne direction et en évitant les hautfonds, que de battre le record du 100 mètres haie.
Olivier Costa au micro de Laurence Aubron