Comme chaque semaine, nous retrouvons Joséphine Staron, directrice des études et des relations internationales chez Think Tank Synopia, le laboratoire des gouvernances.
Le programme de la présidence française du Conseil de l’Union européenne s’annonce particulièrement chargé. Sans doute un peu trop étant donné que la France ne disposera de cette position que pendant les six prochains mois. Alors que peut-on véritablement accomplir en si peu de temps ?
Le Président de la République Emmanuel Macron a dévoilé un vaste programme qui touche à beaucoup de domaines, aussi bien l’environnement, que le numérique, la défense, la sécurisation des frontières, la santé, la culture aussi, et bien sûr, l’économie et la croissance.
Ce programme s’articule autour de trois axes majeurs :
- Premier axe : la souveraineté.
Une Europe souveraine économiquement bien sûr, industriellement aussi, mais encore, souveraine en étant capable de maitriser ses frontières (et pour cela le Président prévoit une réforme de l’Espace Schengen, rien de moins !) ; et souveraine en étant capable de défendre ses citoyens (et là, Emmanuel Macron a réaffirmé son attachement à une véritable Défense européenne).
- Deuxième axe : un nouveau modèle européen de croissance et d’investissement
Nous l’avons vu de manière assez brutale dès le début de la crise sanitaire : la désindustrialisation de l’Europe, son retard en termes d’innovation dans de nombreux secteurs clés, ainsi que les règles économiques contraignantes en vigueur, ont rendu très difficile l’action des États dans les premiers temps de la crise. Mais contre toute attente, les Européens ont su prendre la mesure du problème en acceptant de suspendre le Pacte de Stabilité pour permettre aux États de palier les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Plus incroyable encore, les États, sous l’impulsion de la France, ont accepté l’impensable : c’est-à-dire souscrire un emprunt commun au nom de l’Union européenne, et non au nom de chaque État individuellement comme c’était jusqu’alors le cas.
La crise a donc montré que l’Europe était capable de s’adapter aux besoins et aux impératifs du moment. Et pour parfaire cette capacité d’adaptation, le Président Macron entend faire du modèle économique européen un exemple en priorité sur trois fronts : l’environnement, le numérique et le social.
- Troisième axe enfin : « une Europe humaine »
Cet axe est sans doute un peu moins clair pour l’instant. Ce qui est certain, c’est que la Présidence française réaffirmera les principes liés à l’état de droit qui ont été mis à mal dernièrement en Europe. La PFUE s’appuiera également sur les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui seront dévoilées au printemps prochain. Des propositions pour la jeunesse devraient également être formulées dans le cadre de ce troisième axe. Enfin, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une grande réflexion sur l’histoire de l’Europe, une proposition plus ambitieuse, voire plus risquée qu’il n’y parait, l’histoire étant toujours source de nombreuses tensions et ressentiments entre les États et les peuples d’Europe.
Mais la réalisation de ce programme va rencontrer quelques limites.
Le temps en est une : six mois pour tout cela c’est impossible. D’autant que le pays qui détient la présidence du Conseil de l’UE n’a qu’une capacité d’action limitée : il organise les réunions et les travaux législatifs du Conseil en fixant l’ordre du jour. La France peut donc pousser certains sujets ainsi que des textes législatifs, donner une impulsion sur des priorités. Mais ne nous y méprenons pas, il n’y aura pas, pendant ces 6 mois, de grands bouleversements. Non pas à cause du programme Français, mais tout simplement parce que ce n’est pas l’objectif d’une Présidence du Conseil.
Autre limite : l’enjeu de crédibilité. Puisque la PFUE intervient en même temps que les élections présidentielles, une question se pose : nos partenaires européens accorderont-ils une réelle attention, un réel crédit aux propositions de la France, alors même que son président pourrait être amené à quitter le pouvoir au beau milieu ?
En tout cas, vu l’ampleur du programme, il est certain qu’il faudra définir des chantiers plus prioritaires que d’autres si la France veut laisser une trace indélébile de sa Présidence et faire concrètement avancer le projet d’une souveraineté européenne.
Photo Source : EC - Audiovisual Service
Joséphine Staron au micro de Laurence Aubron